La Haute Juridiction précise également que les dispositions de l’article R600-1 du Code de l’Urbanisme qui impose à l’auteur d’un recours de notifier son recours n’est pas tenu de le notifier à l’auteur de la décision.
Par cet arrêt rendu dans des circonstances de fait quelque peu particulières, le Conseil d’Etat renverse une jurisprudence aussi ferme qu’ancienne qui consacrait l’indivisibilité des autorisations d’urbanisme (Conseil d’Etat, Section, 12 octobre 1962, n°55655).
Rappelons, en effet, que le principe qui prévalait était celui de l’indivisibilité de l’autorisation d’urbanisme. Les prescriptions d’une autorisation formant avec celle-ci un ensemble indivisible, l’illégalité d’une prescription était susceptible d’entrainer soit l’annulation totale de l’autorisation d’urbanisme, soit l’irrecevabilité du recours.
Le Juge Administratif lorsqu’il était saisi de conclusions tendant à l’annulation partielle d’un acte dont les dispositions formaient un ensemble indivisible, était dès lors tenu de rejeter ces conclusions.
Certes des décisions étaient venues atténuer ce principe « sacro-saint » « intellectuellement irréprochables » comme le précisait le Président LABETOULLE dans ses conclusions sous la décision PLUNIAN (Conseil d’Etat, Section, 13 novembre 1981, n°16504) :
« C’est dans le cadre d’un pouvoir d’appréciation global que par une décision unique l’Administration accorde l’autorisation et subordonne celle-ci à telle ou telle condition ; la condition est un support d’autorisation ; on ne peut contester la première sans remettre en cause aussi la seconde ».
Ce principe a, cependant, été battu en brèche par une première décision PLUNIAN rendue également en section du Conseil d’Etat le 13 novembre 1981 (n°16504).
Les dispositions imposant des participations financières ont été considérées comme divisibles du permis, principes jurisprudentiels consacrés par le législateur à l’article L332-7 du Code de l’Urbanisme :
« L’illégalité des prescriptions exigeant des taxes ou des contributions aux dépenses d’équipements publics est sans effet sur la légalité des autres dispositions de l’autorisation de construire.
Lorsque l’une de ces prescriptions est annulée pour illégalité, l’autorité qui a délivré l’autorisation prend, compte tenu de la décision juridictionnelle devenue définitive, un nouvel arrêté portant la prescription d’une taxe ou d’une contribution aux dépenses d’équipements publics. »
Une seconde atténuation à ce principe résulte de la prise en compte de la réalité des constructions autorisées par l’acte attaqué, le Conseil d’Etat admettant qu’un requérant puisse ne contester qu’une partie d’un permis lorsque les effets des dispositions censurées n’ont aucune incidence sur celles maintenues, par exemple, si le permis porte en réalité sur plusieurs constructions distinctes (voir conclusions de Madame BURGUBURU sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 juillet 2009, n°301615, Ville de GRENOBLE).
Cependant, ces atténuations étaient bien minimes au regard de la pratique contentieuse et ce revirement de jurisprudence était attendu.
Les faits de l’espèce étaient les suivants :
Le maire de NICE ne s’était pas opposé à la déclaration préalable présentée par la pétitionnaire en vue du ravalement des façades de trois immeubles sous réserve de respecter deux prescriptions, dont celle de peindre la face externe des fenêtres de la même couleur que celle des volets.
La pétitionnaire avait demandé au Tribunal d’annuler pour excès de pouvoir cet arrêté en tant seulement qu’il était assorti de cette prescription, requête qui a été déclarée irrecevable par le Tribunal Administratif de NICE au regard du défaut d’accomplissement de la formalité de notification prévue par la disposition de l’article R600-1 du Code de l’Urbanisme.
Saisi en cassation, le Conseil d’Etat va profiter de l’occasion ainsi donnée pour affirmer que
« L’Administration ne peut assortir une autorisation d’urbanisme de prescriptions qu’à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet, aient pour effet d’assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et règlementaires dont l’Administration est chargée le respect ; que le titulaire d’une autorisation d’urbanisme est recevable à demander l’annulation d’une ou de plusieurs prescriptions dont celle-ci est assortie ; qu’il peut utilement soulever à l’appui de telles conclusions tout moyen relatif au bien-fondé des prescriptions qu’il critique ou au respect des exigences procédurales propres à leur édiction ; que, toutefois, le juge ne peut annuler ces prescriptions, lorsqu’elles sont illégales, que s’il résulte de l’instruction qu’une telle annulation n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de l’autorisation d’urbanisme et qu’ainsi ces prescriptions ne forment pas avec elle un ensemble indivisible. »
Le « mode d’emploi » est ainsi donné.
La prescription ne doit entrainer des modifications sur le projet tel que déposé que sur les points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet.
En outre, elle doit avoir pour effet de rendre les travaux projetés conformes aux dispositions législatives et règlementaires dont l’autorité administratif chargée de l’instruction de l’autorisation doit assurer le respect (voir article Lucienne ERSTEIN, Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n°12 du 23 mars 2015).
Ainsi et par principe, le titulaire d’une autorisation d’urbanisme assortie d’une prescription se voit reconnaitre la possibilité de demander l’annulation de cette prescription en invoquant tout moyen de fond comme de forme à l’encontre de ladite prescription.
Ce n’est que dans l’hypothèse où le moyen sera considéré comme fondé que le juge aura à examiner la question de la divisibilité.
En effet, ce n’est que dans l’hypothèse où la prescription pourra être annulée sans affecter la légalité de l’autorisation elle-même c’est-à-dire que dans l’hypothèse où la prescription ne forme pas un atout indivisible avec l’autorisation que l’annulation pourra être prononcée.
A défaut, elle ne le sera pas et le recours sera rejeté mais au fond et non pour une question de recevabilité dudit recours.
S’agissant de la question de la recevabilité, le Tribunal Administratif de NICE dans l’affaire qui nous intéresse, avait également rejeté la requête en relevant l’absence de notification en application des dispositions de l’article R600-1 du Code de l’Urbanisme de ce recours à l’auteur de la décision.
Le Conseil d’Etat rappelle un principe déjà bien établi :
« ces dispositions visent dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, ainsi qu’à l’auteur de cette décision d’être informés à un bref délai de l’existence d’un recours contentieux dirigé contre elle ; qu’en revanche, elles n’exigent pas que le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme notifie à l’auteur de cette décision d’un recours contentieux qu’il forme pour la contester lorsqu’elle est assortie de prescriptions ou pour contester ces prescriptions elles-mêmes ».
Le Conseil d’Etat s’inscrit dans la lignée de sa jurisprudence applicable aux recours contre les dispositions, fixant des participations financières pour la non-réalisation d’aires de stationnement (Conseil d’Etat, 24 mars 2006, n°291591, Ville de SAINT DENIS DE LA REUNION).
Ainsi, de l’analyse à priori du caractère divisible de la prescription, le juge administratif pass désormais à la vérification du bien-fondé de la prescription ou du respect des règles de procédure dont elle découle avant de s’interroger sur la divisibilité de celle-ci avec l’autorisation. Et ce n’est que dans un second temps, en cas d’indivisibilité, que la requête sera rejetée non pas pour irrecevabilité comme avant mais comme non-fondée.
*** Voir l’arrêt du Conseil d’Etat du 13 mars 2015 ***
Cet article n’engage que son auteur.
Comments ( 0 )