(Cour de cassation, 2ème chambre civile, 19 décembre 2024, n° 23-19.110)
L’assurance-vie est un produit financier permettant de transmettre son patrimoine.
Si le décès de l’assuré survient avant le terme du contrat, un capital financier prévu contractuellement est versé aux bénéficiaires désignés.
Cependant, il est important de noter que l’assurance-vie ne fait pas partie de la succession de l’assuré aux termes de l’article L 132-12 du Code des assurances.
Non seulement les contrats d’assurance-vie et les sommes versées sortent de la succession de l’assuré, mais ils bénéficient au profit des bénéficiaires désignés d’une fiscalité avantageuse.
Le souscripteur est entièrement libre de désigner le ou les bénéficiaires de son choix.
Il conserve une totale liberté de changer le nom des bénéficiaires à tout moment.
Le contrat d’assurance-vie a donc pour principale caractéristique d’être hors succession, échappant ainsi aux droits de succession, aux rapports dans l’actif successoral et aux potentielles réductions.
En principe, l’assurance-vie étant hors succession, elle n’est pas prise en compte dans le calcul de la réserve héréditaire.
Il y a donc risque de captation d’héritage par manœuvre frauduleuse mise en œuvre par un tiers pour bénéficier d’une part ou de la totalité d’une succession.
L’héritier victime d’une captation d’héritage peut solliciter la réintégration de l’assurance-vie à la succession dans 2 cas :
- lorsque les primes sont manifestement exagérées au regard des capacités du souscripteur,
- lorsque l’assurance-vie a été souscrite à un âge avancé du souscripteur et que les primes ont été requalifiées de donation indirecte.
Dans l’espèce commentée, un défunt âgé de 83 ans avait ouvert 10 ans plus tôt un contrat d’assurance sur la vie sur lequel plusieurs versements avaient été effectués et dont le bénéficiaire était la Ligue Nationale contre le Cancer.
Ce défunt avait un enfant unique.
La Cour d’appel de Metz, par arrêt du 23 mai 2023, avait ordonné la réduction des primes versées sur le contrat d’assurance sur la vie souscrit à hauteur de quasiment la moitié des sommes versées en ordonnant la réintégration de ces sommes à la succession.
Les juridictions avaient donc à apprécier le caractère manifestement exagéré des sommes versées à titre de primes eu égard à ses facultés.
Ce caractère manifestement exagéré s’apprécie au moment du versement, au regard de l’âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l’utilité du contrat pour ce dernier.
La Ligue Nationale contre le Cancer reprochait à la Cour d’appel de Metz d’avoir pris en considération l’intérêt des héritiers à un tel versement.
La Ligue Nationale contre le Cancer a considéré que l’intérêt des héritiers ne constituait pas un critère d’appréciation du caractère manifestement exagéré des primes.
La Cour de cassation avait constaté que la Cour d’appel de Metz avait considéré que le total des primes versées restait proportionné au patrimoine du défunt.
La Cour d’appel avait également constaté que le dernier versement avait capté la quasi-totalité du patrimoine du défunt, privant ainsi son enfant unique d’une part très importante de la succession excédant la réserve héréditaire.
Dès lors, la Cour d’appel de Metz avait estimé que cette situation était contraire à l’intérêt de l’héritière.
La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement et précise qu’il n’est pas possible d’apprécier le caractère manifestement exagéré des primes versées sur un critère étranger aux intérêts du souscripteur.
Ainsi, l’intérêt des héritiers ne constitue pas un critère d’appréciation du caractère manifestement exagéré des primes.
L’atteinte à la réserve n’est donc pas un motif opérant pour obtenir la réduction et le rapport à la succession.
Béatrice Bénichou- Médina – Notaire – Office Notarial Europole Presqu’île
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