Référence : Conseil d’Etat, Section, 13 mai 2024, n°466541, Publié au recueil Lebon
C’est un revirement jurisprudentiel mémorable qui a été opéré par la Section du contentieux du Conseil d’Etat le 13 mai 2024 : devant le juge administratif, et hors télérecours, c’est désormais le cachet de la poste qui fera foi pour apprécier la tardiveté du recours adressé à une juridiction administrative. Par un considérant de principe clair, le juge suprême abolit ainsi la règle de la date de réception aux greffes, en faveur de la règle de la date d’envoi :
« Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires […], la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi. »
Les juges du Palais Royal reviennent ainsi sur une jurisprudence qui a longtemps considéré qu’il convenait de prendre en compte le jour de la présentation du pli au greffe de la juridiction (CE, 27 février 1885, Elections de Prétin ; CE, 30 juillet 2003, n° 240756). Pour faire face aux aléas du service postal, le juge estimait que le courrier devait être envoyé « en temps utile » afin que la requête parvienne à temps, selon « les délais normaux d’acheminement du courrier ». Une requête postée la veille de l’expiration du délai de recours ne respectait donc pas ces conditions (CE, 8 juillet 2009, n° 321449).
Ces conditions strictes engendraient une double inégalité. D’abord, une inégalité territoriale, car la jurisprudence du Conseil prenait en compte un délai normal d’acheminement du courrier en métropole, qui diffère de celui des justiciables d’Outre-Mer. Ensuite, une inégalité pour les justiciables n’ayant pas accès aux téléservices ou étant traditionnellement attachés au courrier papier.
Alors que le principe de la date de réception ne trouvait plus à s’appliquer qu’en contentieux administratif, le Conseil d’Etat vient donc de mettre fin à cette discontinuité avec la procédure administrative non-contentieuse, harmonisant ainsi les règles pour les citoyens, qu’ils saisissent la juridiction administrative ou l’administration (art. L. 112-1 C. des relations entre le public et l’administration).
Qu’ils utilisent ou non Internet, tous les justiciables peuvent donc désormais se prévaloir, en pratique, du même délai de recours contentieux.