Référence : CAA Paris, 29 février 2024, n°22PA03860
Par un jugement du 29 février 2024, la Cour administrative d’appel de PARIS a confirmé le jugement de première instance (TA Montreuil, 29 juin 2022, n°2109919) annulant l’entière procédure de préemption pour une erreur de plume sur le prix exprimé à la fois en chiffres et en lettres.
En effet, un établissement public a décidé d’exercer son droit de préemption pour un ensemble immobilier à Saint-Denis. Par la suite, et conformément aux dispositions du Code de l’urbanisme (C. urb. Art. L 213-2 et R 213-8), ce même établissement a émis une proposition financière au propriétaire.
Cette même offre indiquait un prix en toutes lettres de « cent quatre-vingt-dix mille euros » et en chiffres de « 290.000 euros », laissant légitimement planer une incertitude sur le prix véritablement proposé par l’établissement public.
Alors que l’établissement public espérait bénéficier des dispositions de l’article 1376 du Code civil prévoyant « En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres », cette transposition aux décisions de préemption n’a pas obtenu satisfaction devant le juge.
La Cour estime que « [l’article 1376 du Code civil] n’étant pas applicable aux décisions de préemption, lesquelles n’ont pas le même objet, il en résulte que la décision, qui comporte, comme il a été dit au point 6, une différence entre le prix exprimé en lettres et le prix exprimé en chiffres, laquelle ne constitue pas une erreur de pure forme mais une incohérence affectant un élément essentiel, dès lors en particulier que ces mentions du prix sont les seules figurant dans la décision attaquée, doit être regardée comme une décision ne comportant aucun prix, prise en méconnaissance des prescriptions de l’article R. 213-8 du Code de l’urbanisme et ainsi entachée d’illégalité. »
Les juges retiennent donc que la présence de deux prix différents dans une décision de préemption s’apprécie comme une absence de prix et non une erreur de forme, entachant d’illégalité ladite décision et entraînant la nullité de la procédure.
Il est désormais nécessaire, pour les titulaires d’un droit de préemption, de vérifier par deux fois l’ensemble des éléments présents dans leurs décisions afin de sécuriser l’aboutissement de leurs procédures.
Si « l’erreur n’est pas un crime » selon Sénèque, elle peut toutefois être source d’illégalité devant les juridictions administratives.