CE, Avis, 30-04-2024 : n° 490405.
Par un avis du 30 avril 2024, le Conseil d’Etat adopte une définition rigoureuse de la notion d’agrandissement pour l’application de l’article L. 121-8 du Code de l’Urbanisme (fixant l’exigence d’une extension de l’urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants), laquelle notion avait été introduite en jurisprudence à la suite de la décision de cette même Juridiction le 3 avril 2020.
En effet, par cette décision, le Conseil d’Etat avait retenu que si le législateur avait, par l’exigence d’une urbanisation en continuité en zone littorale, entendu proscrite par principe toute opération de construction isolée, il n’avait pas pour autant écarté toute possibilité d’un « simple agrandissement d’une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de ces dispositions » (CE, 3-04-2020 : n° 419139 ; en l’espèce un projet de 42 m² supplémentaire d’une construction à usage d’habitation d’une SHON initiale de 105 m²).
Le cadre de cette nouvelle demande d’avis, formulée par le Tribunal Administratif de BASTIA, est le suivant :
Le projet d’agrandissement d’une construction existante doit-il être apprécié au regard de la construction existante résultant de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme initiale ou de la dernière autorisation accordée au pétitionnaire ?
Par cet avis récent, le Conseil d’Etat parachève les clés à mobiliser pour reconnaitre le « simple agrandissement » et le différentier de l’extension (alors interdite), en en fixant une référence temporelle à retenir pour ce faire :
Pour rappel, l’agrandissement doit, en toute hypothèse, être de taille réduite, non seulement en proportion par rapport à la construction d’ores et déjà existante mais également en valeur absolue (voir en ce sens, s’agissant de la notion plus usitée d ‘extension d’une construction existante : CE, 9-11-2023 : n° 469300 ; et sur l’application d’un raisonnement en valeur absolue en zone de montagne : CE, 12-06-2023 : n° 466725).
Monsieur AGNOUX, rapporteur public dans le cadre de cette nouvelle demande d’avis, a proposé, pour expliciter plus encore les limites de ce tempérament, de retenir un caractère limité du projet envisagé également au regard de sa nature : il propose de retenir une exigence de contiguïté, un lien fonctionnel et une complémentarité avec la construction existante (renvoyant en ce sens à la notion d’ensemble architectural dégagée par M. DE LESQUEN sur la décision CE, 15-04-2016 : n° 389045).
Il exclut ainsi la création d’un logement autonome, la modification des capacités d’accueil du public d’hôtels ou de commerces.
Il se distingue enfin de la restauration d’une construction existante qui répondrait aux conditions fixées par l’article L. 111-23 du Code de l’Urbanisme et qui n’est pas considérée comme une extension de l’urbanisation (voir en ce sens : CE, 4-08-2021 : n° 433761).
S’agissant précisément du point de référence, le Conseil d’Etat suit le sens des conclusions de son rapporteur public, et retient une position de rigueur, en relevant que « le caractère de l’agrandissement envisagé s’apprécie par comparaison avec l’état de la construction initiale, sans qu’il n’y ait lieu de tenir compte des éventuels agrandissements intervenus ultérieurement », sauf s’agissant des constructions antérieures à la Loi Littoral du 3 janvier 1986, dont la portée des travaux s’apprécie par rapport à l’état de la construction à la date d’entrée en vigueur de la Loi.
Concrètement, il ne s’agit pas de permettre, d’une manière ou d’une autre et par l’effet de modifications successives intervenues, la mutation complète d’un bâtiment existant mais bien de ne permettre que son évolution extrêmement limitée en ne permettant qu’un tempérament à l’interdiction ferme du développement de l’urbanisation diffuse dans ce secteur protégé que constitue le littoral.