L’Ordonnance n°2016-316 du 17 mars 2016 accorde un délai supplémentaire aux SAFER dont la zone d’action est incluse en tout ou partie dans le périmètre des nouvelles régions pour la mise en conformité de leurs statuts et prévoit que pour ces SAFER les droits de préemption et les autorisations à bénéficier de l’offre amiable avant adjudication volontaire sont prorogés en tant que de besoin jusqu’à l’entrée en vigueur des nouveaux textes qui leur accorderont ces droits au plus tard dans un délai de douze mois à compter de l’agrément des nouvelles SAFER.
La nouvelle organisation régionale résultant de la loi n°2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, entraîne en effet la nécessité de regrouper les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural dites SAFER des régions existantes, conformément à l’article L.141-6 du Code Rural et de la Pêche Maritime qui prévoit la constitution des SAFER à l’échelle régionale ou interrégionale.
La loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, habilite le Gouvernement à modifier par voie d’ordonnances les dispositions relevant du domaine de la loi faisant référence à la région afin « (…) 1/ Le cas échéant, d’adapter le territoire d’intervention et les modalités d’organisation, de fonctionnement et de financement de tout établissement ou organisme institué par la loi ayant un périmètre d’intervention régional (…) ».
C’est dans ce cadre qu’une disposition spécifique de niveau législatif a été rendue nécessaire pour traiter le cas particulier des SAFER dont les zones d’action additionnées ne correspondent pas au périmètre des nouvelles régions, et pour lesquelles l’obligation de constitution au niveau régional ou interrégional va ainsi nécessiter un redécoupage partiel. Sont concernées les SAFER dont la zone d’action est incluse en tout ou partie dans le périmètre des nouvelles régions Aquitaine-Limousin et Poitou-Charentes et Pays de la Loire.
L’Ordonnance du 17 mars 2016 en a, en conséquence, tiré les conséquences en allongeant le délai laissé aux SAFER concernées pour la mise en conformité de leurs statuts en ce qui concerne leur constitution à l’échelle régionale ou interrégionale : l’échéance, normalement fixée au 1er juillet 2016, par la loi du 13 octobre 2014 dite loi d’avenir pour l’agriculture, a été donc reportée au 1er juillet 2018.
La loi d’avenir avait en effet prévu de réorganiser le réseau des SAFER pour ne retenir qu’une SAFER par région, sachant qu’une région comme Midi-Pyrénées, par exemple, en comptait trois, dont une à cheval avec l’Aquitaine.
Or, la réforme de la carte régionale du 16 janvier 2015 a changé la donne en créant treize nouvelles régions.
Il était donc nécessaire d’accorder un délai aux SAFER incluses dans le périmètre de ces régions pour se conformer à la nouvelle carte régionale, le délai fixé au 1er juillet 2016 prévu initialement apparaissant en effet totalement irréaliste.
Par ailleurs, afin que les SAFER, dont la zone d’action ne correspond pas au périmètre des nouvelles régions à la date d’entrée en vigueur de l’Ordonnance, puissent poursuivre leurs activités durant la phase de mise en conformité avec ce périmètre, l’Ordonnance proroge les droits de préemption et les autorisations à bénéficier de l’offre amiable avant adjudication volontaire qui leur sont accordés pour un délai qui s’achève au plus tard douze mois à compter de l’intervention de l’agrément traduisant leur constitution à l’échelle régionale ou interrégionale.
Cette nouvelle réorganisation n’est pas la seule évolution à laquelle les SAFER sont confrontées.
La loi d’avenir pour l’agriculture a une incidence marquée avec une augmentation importante des notifications de transaction.
Rappelons que les SAFER ont pour mission d’intérêt général d’intervenir en vue de favoriser l’installation, le maintien et la consolidation d’exploitations agricoles ou forestières afin que celles-ci aient une dimension économique viable au regard des critères du Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles, améliorer la répartition parcellaire des exploitations, et concourir à la diversité des systèmes de production et les systèmes relevant de l’agriculture biologique.
En matière d’environnement, les SAFER concourent à la diversité des paysages, à la protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique.
Les SAFER contribuent également au développement durable des territoires ruraux, dans le cadre des objectifs définis à l’article L.111-2 du Code Rural et de la Pêche Maritime et doivent assurer la transparence du marché foncier rural.
Sur ce dernier point, le Législateur, dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, a souhaité créer une obligation d’information généralisée à l’ensemble des actes :
cession à titre onéreux ou à titre gratuit, en pleine propriété ou en démembrement, sous forme d’échange ou d’apport en société portant sur des biens ou des droits mobiliers ou immobiliers (biens ruraux, terres, bâtis, exploitations agricoles, actions ou parts de sociétés, parts de GFA ou GFR), y compris s’il ne s’agit pas de biens pour lesquels le droit de préemption de la SAFER peut être exercé (article L.141-1-1 du Code rural et de la pêche maritime).
Pour le Législateur, il s’agissait de mieux contrôler avec l’entrée en vigueur de la loi d’avenir la financiarisation menaçante du foncier agricole.
En effet, au vu des rendements actuels du livret A et des assurances-vie, la terre agricole attire de plus en plus d’investisseurs qui concurrencent directement les agriculteurs qui souhaitent acquérir du foncier.
Et c’est sans compter sur un autre phénomène croissant constaté en Europe et également en France : de grands groupes d’investissements, américains ou britanniques notamment, acquièrent des milliers d’hectares en Europe et ce alors même que le prix du foncier en France, bien moins élevé qu’ailleurs en Europe, reste un facteur de compétitivité.
Suite à une question écrite au Ministre de l’Agriculture[1], il a été souligné que la proportion de biens acquis par des sociétés d’exploitation agricole qui confortent ainsi leur assise foncière devient une tendance alarmante :
« On observe en effet l’arrivée sur les marchés fonciers ruraux de nouveaux investisseurs, souvent étrangers à l’agriculture, qui accèdent à l’exploitation agricole au travers de l’achat de parts sociales » (réponse publiée au JO Sénat du 21 août 2014).
Le Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt confirmait en effet que ces sociétés d’exploitation, civiles et commerciales, détenaient ainsi d’ores et déjà 10 % des surfaces en faire valoir direct en 2010, soit 1.774.000 hectares.
Pour s’agrandir, elles achètent en effet de plus en plus de terres libres en leur nom propre, mais aussi les terres louées qu’elles exploitent déjà.
L’accès à l’exploitation agricole se faisant de plus en plus par achat de parts sociales, cette concentration et cette financiarisation de la propriété agricole génèrent un marché nouveau de transmission d’exploitations entières.
Il est dès lors apparu nécessaire dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt dite loi LAAF de prendre diverses mesures pour répondre à l’ampleur prise par les exploitations sous formes sociétaires et la complexité croissante des montages juridiques afférents à la propriété agricole.
Certains commentateurs se sont cependant émus de ce que la loi LAAF n’est pas allée au bout de sa logique en limitant le droit de préemption aux ventes totales des parts de société.
En cas de vente partielle, la SAFER est donc bloquée. Elle peut cependant intervenir en cas de démembrement de propriété, c’est-à-dire à l’occasion d’une cession de la nue-propriété ou de l’usufruit du bien foncier.
Or, la cession de parts sociales d’une société agricole et la cession de nue-propriété ou d’usufruit d’un bien foncier étaient les deux cas de figure qui permettaient jusqu’à présent de contourner le risque de préemption des SAFER.
Reste à régler la question des ventes partielles dans le cadre desquelles la SAFER ne peut exercer son droit de préemption.
[1] Question écrite n°11960 de Monsieur François MARC publiée dans le JO Sénat du 12 juin 2014 – page 1360.
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