Un arrêt rendu le 18 mars 2022 par la Cour d’appel de Paris en matière fiscale apporte des précisions intéressantes sur la date à retenir pour l’imposition de sommes perçues par un contribuable par l’intermédiaire du compte CARPA de son avocat.
En l’espèce, un salarié a été licencié le 26 août 2013. Pour mettre un terme au litige les opposant, ce salarié et son employeur ont conclu, le 11 décembre 2013, un accord transactionnel prévoyant notamment le versement à l’intéressé de la somme de 310 000 euros net à titre de dommages et intérêts. Le salarié, estimant que cette somme correspondait à une indemnité pour licenciement abusif sans cause réelle et sérieuse, a indiqué sur sa déclaration de revenus pour l’année 2014 qu’elle n’avait pas à être soumise à l’impôt sur le revenu. Toutefois, à la suite d’un contrôle de sa déclaration de revenus courant 2016, l’administration a réintégré cette indemnité dans les revenus imposables de l’intéressé.
Le contribuable a demandé la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu, et des pénalités, auxquelles il a été assujetti à raison de la réintégration de cette somme. Estimant que cette somme n’était pas imposable, il a fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris rejette sa demande.
La Cour d’appel rappelle les termes de l’article 12 du code général des impôts : » L’impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année » et de l’article 156 du même code : » L’impôt sur le revenu est établi d’après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l’article 6, aux professions qu’ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu’aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent (…) « . Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les sommes à retenir, au titre d’une année déterminée, pour l’assiette de l’impôt sur le revenu, sont celles qui, au cours de cette année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d’inscription à un compte courant sur lequel l’intéressé a opéré, ou aurait pu opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre.
Par ailleurs, selon l’article 53 de la loi du 31 décembre 1971, les avocats qui reçoivent des fonds pour le compte de leurs clients les déposent, dans une caisse créée obligatoirement à cette fin par chaque barreau ou en commun par plusieurs barreaux et en effectuent le règlement. Ainsi les fonds reçus par les avocats sont déposés à un compte ouvert au nom de la caisse des règlements pécuniaires des avocats (dite CARPA) dans les écritures d’une banque ou de la caisse des dépôts et consignations. Les fonds doivent être reversés au bénéficiaire dès la justification de l’encaissement définitif et dans le respect des conventions de délais de bonne fin.
Il résulte de la combinaison de ces textes que la CARPA est destinataire de l’ensemble des fonds reçus par les avocats pour le compte de leurs clients et qu’un avocat ne peut procéder à un règlement pécuniaire à l’attention de l’un d’eux que par l’intermédiaire de cette caisse. En outre, la CARPA doit pouvoir procéder, avant tout reversement des fonds, à un contrôle portant notamment sur l’identité des parties concernées par l’opération, le lien avec les actes juridiques ou judiciaires de l’avocat et la disponibilité des fonds. Il suit de là que la personne qui doit recevoir des fonds par l’intermédiaire de son avocat doit être regardée comme ayant à sa disposition la somme qui lui est due, pour sa soumission à l’impôt sur le revenu, dès lors que la CARPA a encaissé les fonds en cause et, sur instruction de l’avocat titulaire du compte CARPA, a procédé au reversement à son profit, à partir du sous-compte correspondant.
Dans l’espèce précitée, l’employeur a fait procéder, le 11 décembre 2013, à la suite de la signature d’un protocole transactionnel daté du même jour, au virement de la somme de 310 000 euros, correspondant aux dommages et intérêts accordés en réparation du préjudice subi par le salarié sur le compte ouvert par la CARPA au nom de son avocat. La CARPA a effectué, le 26 décembre 2013, un virement au profit du client de l’avocat, qui doit donc être regardé comme ayant pu disposer de l’indemnité au plus tard le 26 décembre 2013.
En conséquence, la Cour d’appel de Paris énonce que l’indemnité de licenciement perçue était imposable au titre des revenus de l’année 2013 et l’administration n’était, dès lors, pas fondée à mettre à la charge du salarié des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre de l’année 2014, et ce alors même que son contrat de travail a pris fin au cours de l’année 2014 et que l’administration affirmait n’avoir eu connaissance de ces modalités qu’à l’occasion du contrôle sur pièces courant 2016. Il en résulte l’annulation du jugement attaqué ainsi que la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2014.
Thierry Lebrun – Avocat associé
Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter : t.lebrun@cdmf-avocats.com-04.76.15.39.16
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