La Cour de cassation dans un arrêt du 23 novembre 2020 reconnait au titulaire d’une marque déchue d’agir en contrefaçon à l’encontre d’agissements intervenus pendant la période antérieure à sa déchéance.
Le 5 décembre 2005, une personne physique a déposé la marque SAINT GERMAIN n°3 395 502 pour désigner en classes 30, 32 et 33 des produits boissons alcooliques. En 2013, le Tribunal de grande instance de Nanterre a prononcé la déchéance des droits à compter du 13 mai 2011.
Il est rappelé que la déchéance d’une marque française pour défaut d’exploitation peut être demandée à l’issue d’une période de 5 ans à compter de son enregistrement si elle n’a pas fait l’objet d’un usage effectif et sérieux.
Ayant appris qu’un distributeur, un fabricant et un sous-traitant exploitaient ladite marque pour une liqueur de sureau, le titulaire de la marque déchue a assigné ces sociétés en contrefaçon le 8 juin 2012.
Le Tribunal de grande instance de Paris en 2015 puis la Cour d’appel de Paris en 2016 ont rejeté les demandes à défaut de preuve d’une exploitation effective de ladite marque par le requérant.
Le titulaire de la marque s’est pourvu en cassation. La Cour de cassation a posé une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) qui était de savoir si le titulaire d’une marque déchue pour défaut d’usage sérieux de celle-ci détenait le droit de réclamer l’indemnisation du préjudice subi en raison de l’usage par un tiers d’un signe similaire créant une confusion avec sa marque antérieurement à la date d’effet de la déchéance.
La CJUE ( CJUE, 5e ch., 26 mars 2020, aff. C-622/18) a offert la liberté aux États membres d’accepter ou de refuser qu’une marque déchue puisse être invoquée dans le cadre d’une action en contrefaçon pour la période précédant sa déchéance.
Suite à cet arrêt de la CJCE, la Cour de cassation a précisé dans l’arrêt du 4 novembre 2020 les modalités de cette action en contrefaçon.
Selon la Cour, le titulaire de la marque déchue n’a pas à démontrer l’usage de la marque déchue.
En effet, la Cour a jugé « QU’ au cours de la période de cinq ans qui suit l’enregistrement d’une marque, le titulaire de la marque peut interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de ladite marque pour ces produits ou ces services ».
Cependant la Cour exige que le titulaire de la marque déchue démontre l’exploitation de la marque contestée. En l’espèce le titulaire de la marque déchue a bien prouvé des actes de contrefaçon caractérisés par des actes de commercialisation antérieurs au mois de mai 2011.
Il convient de préciser que cette décision a été rendue sous l’empire de l’ancienne Directive 2008/95/CE abrogée par la Directive (UE) 2015/2436 du « Paquet Marques » ne prévoit plus la liberté de choix aux Etats membres concernant les effets de la déchéance et le non-usage comme moyen de défense dans le cadre d’une action en contrefaçon de marque.
Par ailleurs l’exercice du droit de la contrefaçon a été modifié notamment avec l’article L. 716-4-5 du Code de la propriété intellectuelle qui prévoit qu’est irrecevable toute action en contrefaçon introduite par le titulaire d’une marque antérieure à l’encontre d’une marque postérieure si le requérant ne produit pas les preuves d’usage de la marque antérieure invoquée au cours des 5 années précédant l’action en contrefaçon.
Cour de Cassation, Chambre commerciale n° 16-28.281
Nathalie Bastid – Avocate associée
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