Référence : Conseil d’Etat, 8 juillet 2024, n°471174
Saisi par la ligue de protection des oiseaux (LPO), le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur la protection des espèces protégées s’agissant d’une installation classée pour l’environnement (ICPE), en l’espèce un parc éolien, déjà autorisé et en fonctionnement. L’arrêté contesté avait levé l’interdiction de fonctionnement des éoliennes en dehors des périodes nocturnes en contrepartie de diverses mesures destinées à prévenir le risque de collision (mise en place d’un dispositif de détection automatisé notamment).
Alors que la cour administrative d’appel avait précédemment rejeté la requête, la haute juridiction administrative annule son arrêt et renvoie l’affaire.
En premier lieu, le Conseil d’Etat précise que l’administration doit prendre les mesures nécessaires pour préserver les espèces animales non domestiques protégées et de leurs habitats, afin prévenir les dangers ou inconvénients pour la protection de la nature et de l’environnement et ce à tout moment. Puis il rappelle :
« 7. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus impose d’examiner si l’obtention d’une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l’espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l’applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l’état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation » espèces protégées » si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l’hypothèse où les mesures d’évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l’administration, des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter une dérogation » espèces protégées « . »
En ce sens, une dérogation « espèces protégées » demeure nécessaire même si l’autorisation n’est pas définitive ou que le risque caractérisé pour les espèces ne résulte pas d’une modification de cette autorisation (considérant n°12). Pour autant, la dérogation « espèces protégées » ne s’impose pas lorsque la modification substantielle de l’autorisation a pour objet d’assurer ou de renforcer la conservation desdites espèces protégées :
« Lorsque la modification de l’autorisation conduit l’autorité administrative à imposer des prescriptions complémentaires dont l’objet est d’assurer ou de renforcer la conservation d’espèces protégées, les dispositions des articles L. 181-14, R. 181-45, R. 411-10-1 et R. 411-10-2 n’ont ni pour objet ni pour effet de faire dépendre la nécessité de l’obtention d’une dérogation » espèces protégées » de la circonstance que cette modification présenterait un caractère substantiel. Il appartient à l’autorité administrative de s’assurer que les prescriptions complémentaires qu’elle impose présentent un caractère suffisant et, dans ce cadre, de rechercher si elles justifient, lorsqu’il demeure un risque caractérisé pour les espèces, d’imposer au bénéficiaire de solliciter une telle dérogation sur le fondement de l’article L. 171-1 du code de l’environnement. »
En définitive, il revient à l’autorité administrative de vérifier, au terme d’une appréciation circonstanciée de la situation, si les prescriptions complémentaires sont suffisantes et le cas échéant s’assurer de la nécessité d’enjoindre au bénéficiaire la sollicitation d’une dérogation « espèces protégées ».