(Cassation, 3ème civ., 16 novembre 2023, n° 22-14.091)
L’article L 145-15 du Code de commerce, en vigueur depuis la loi Pinel du 18 juin 2014 entrée en vigueur le 20 juin, prévoit que sont réputés non écrits, quelle que soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec à 6 articles du Code des droits des baux commerciaux.
La loi du 18 juin 2014 a modifié l’article L 145-15 du Code de commerce et a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement et d’indemnité d’éviction, soumise à la prescription biennale de l’article L 145-60 du même code, le caractère réputé non écrit non soumis à prescription.
Or, en l’espèce, le bail comprenait une clause de renonciation de la locataire à son droit à une indemnité d’éviction, clause contraire à l’ordre public.
Le bail sous seing privé datait du 10 décembre 2002, avant la modification de l’article L 145-15 du Code de commerce.
Neuf années plus tard, c’est-à-dire après le 10 décembre 2011, le bail s’était poursuivi par tacite prolongation et le 23 septembre 2014, les propriétaires ont délivré à la locataire un congé avec refus de renouvellement à effet au 31 mars 2015, sans offre d’une indemnité d’éviction conformément au bail.
Le 5 avril 2015, les propriétaires ont repris possession de l’immeuble.
La question était de savoir si le bail était soumis aux dispositions d’avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel, c’est-à-dire si les clauses contraires à l’ordre public devaient subir une nullité enfermée dans un délai de prescription de 2 ans où le bail devait être considéré comme renouvelé ou se voir appliquer les dispositions de la loi Pinel modifiant l’article L 145-15, substituant à la nullité le caractère non écrit non soumis à une quelconque prescription.
La Cour de cassation a considéré que quand bien même la prescription de l’action en nullité de la clause litigieuse (d’absence de versement de toute indemnité d’éviction) était antérieurement acquise, la sanction du réputé non écrit était applicable aux baux en cours.
La Cour de cassation a constaté que le bail s’était tacitement prorogé (en réalité prolongé) et que le congé avait été valablement délivré par les propriétaires le 23 septembre 2014, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi, dès lors le bail s’était renouvelé à cette date.
Dès lors que le bail s’était renouvelé à la date du 23 septembre 2014, les dispositions d’ordre public de la loi Pinel et la modification de l’article L 145-15 devaient être prises en compte.
Dès lors, l’action tendant à voir réputée non écrite la clause de renonciation à l’indemnité d’éviction n’était plus soumise à la prescription biennale.
Cet arrêt paraît tout à fait logique.
Dès lors qu’un congé est adressé (aussi bien aux fins de renouvellement que d’indemnité d’éviction), il faut considérer que les nouvelles dispositions d’ordre public du Droit des baux commerciaux doivent automatiquement s’appliquer.
Dès lors, la Cour de cassation a eu raison de considérer que le régime des clauses non écrites qui peuvent être soulevées de manière imprescriptible avait pris la place du régime antérieur de la nullité soumis à la prescription biennale.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
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