Référence : Tribunal administratif de Dijon, 25 janvier 2024, n° 2102179
Le 25 janvier 2024, le Tribunal Administratif de Dijon a, dans un arrêt n°2102179, condamné la Commune de DIJON au versement d’une indemnité d’imprévision à l’association concessionnaire, en raison du déficit exceptionnel subi par cette dernière suite à la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19.
Par un contrat de délégation de service public, la Commune de Dijon a confié, en 2019, la gestion du parc des expositions et du palais des congrès, à l’association Dijon Congrexpo. Cette association avait alors pour mission l’animation, la gestion, la promotion et la commercialisation des ouvrages délégués.
En raison d’une baisse substantielle de son activité causée par la crise sanitaire, l’association a demandé à la Commune, le 26 avril 2021, le versement d’une indemnité d’imprévision de 1 642 493 euros HT, correspondant à son déficit d’exploitation entre le 17 mars 2020 et le 31 décembre 2020. Face au refus implicite de la Commune, la concessionnaire a saisi le TA de Dijon pour obtenir le versement de ladite indemnité.
Le Tribunal a alors analysé, sur le fondement de la théorie de l’imprévision, les circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire, afin de déterminer si une indemnité d’imprévision pouvait être octroyée à l’association concessionnaire.
En premier lieu, le juge administratif rappelle les conditions permettant d’accorder une indemnité sur le fondement de la théorie de l’imprévision, bâtie par le célèbre arrêt du Conseil d’Etat de 1916, Gaz de Bordeaux. Le TA expose ainsi qu’« Une indemnité d’imprévision suppose un déficit d’exploitation qui soit la conséquence directe d’un évènement imprévisible, indépendant de l’action du cocontractant de l’administration, et ayant entraîné un bouleversement de l’économie du contrat ». Dans ces conditions, face à un bouleversement imprévisible de l’économie du contrat, le concessionnaire est fondé à réclamer au concédant une indemnité compensatrice de la part des charges extracontractuelles, conformément à une interprétation raisonnable du contrat.
En deuxième lieu, le TA de Dijon expose, méthodiquement, que les conditions permettant d’accorder une indemnité d’imprévision sont remplies, au regard des circonstances de l’espèce : la crise sanitaire est un événement imprévisible, qui présente un caractère extérieur aux parties, et ayant fait subir à l’association requérante une nette dégradation de ses résultats financiers.
Ainsi, « la crise sanitaire ayant fait subir à la cocontractante de la commune de Dijon un déficit global d’exploitation plus de trois fois supérieur à ce qui était envisagé pour l’année 2020, elle doit être regardée comme ayant entraîné, dans les circonstances de l’espèce, le bouleversement de l’économie générale du contrat de délégation de service public ». Il est précisé que la circonstance que l’association concessionnaire ait globalement réalisé un bénéfice sur l’ensemble de la durée d’exécution du contrat est sans incidence, puisque l’indemnité d’imprévision est demandée au titre du bouleversement temporaire de l’économie générale du contrat.
La concessionnaire est alors fondée à demander à l’engagement de la responsabilité sans faute de la Commune au titre de l’imprévision.
S’agissant du montant de l’indemnité d’imprévision, le juge administratif décompose, factuellement, les bénéfices réalisés et déficits subis par l’association durant toute l’exécution du contrat. Ainsi, cette dernière a dégagé des bénéfices en 2019, 2021 et 2022, contrairement aux prévisions déficitaires du contrat. Seul l’exercice 2020 a connu un déficit en raison des difficultés exceptionnelles liées à la crise sanitaire, malgré les alertes adressées à la Commune, qui n’a proposé une indemnisation qu’après saisine du Tribunal.
Par conséquent, au regard du déficit réel subi par l’association durant la pandémie, le TA de Dijon accorde à la concessionnaire une indemnité d’un montant de 1.500.000 euros.