La compensation est un moyen d’éteindre tout ou partie d’une dette lorsque le créancier et le débiteur sont en même temps débiteur et créancier l’un de l’autre. Leurs créances réciproques doivent disparaître à due concurrence.
Le droit français fait une distinction entre la compensation légale qui joue automatiquement dès que certaines conditions sont réunies de la compensation judiciaire susceptible d’être prononcée par un Juge.
Pour que la compensation légale puisse jouer, encore faut-il que les créances réciproques soient liquides et exigibles. En principe, si le montant de l’une des créances, certaine dans son principe n’est pas déterminé dans son montant, il ne peut y avoir lieu qu’à compensation judiciaire. Les deux créances doivent encore avoir un lien de connexité.
En matière de procédure collective, l’article L. 622-7 alinéa 1 du Code de commerce qui interdit à une entreprise en redressement le paiement de toute créance antérieure, admet à titre d’exception le paiement par compensation des dettes connexes.
L’article 1348-1 du Code civil modifié par l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit que le juge ne peut refuser la compensation de dettes connexes au seul motif que l’une des obligations ne serait pas liquide ou exigible.
En l’espèce, la Cour de cassation a dû se pencher sur un arrêt rendu par la Cour d’appel de Pau en date du 24 juillet 2017 dans lequel une commune propriétaire d’un terrain de camping donné en location à un locataire commercial doit délivrer congé comportant refus de renouvellement sans indemnité d’éviction.
La société locataire a été ensuite placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire.
Le liquidateur a assigné en paiement d’une indemnité d’éviction la commune qui a demandé reconventionnellement le paiement de charges et loyers ainsi qu’une indemnité de remise en état, le tout en sollicitant la compensation des dettes réciproques.
La Cour d’appel de Pau a rejeté la demande de compensation entre l’indemnité d’éviction et la dette de loyers et accessoires en retenant que l’indemnité d’éviction n’était pas encore liquide et que les règles de la procédure collective devaient prévaloir sur celles des contrats et que l’absence des créanciers ayant un meilleur rang que le bailleur et pouvant de ce fait le primer n’était pas établie.
La Cour de cassation dans un arrêt du 29 novembre 2018 censure cette interprétation. Elle rappelle que la dette d’indemnité d’éviction et celle de loyers et accessoires, nées d’un même contrat sont connexes, que la compensation des dettes connexes, prévue même en cas de procédure collective de l’une des parties, n’est pas soumise aux conditions de liquidité et d’exigibilité.
La Cour d’appel de Pau aurait donc violé les anciens articles 1290 et 1291 anciens du Code civil relatifs à la compensation.
Il convient de rappeler que la compensation fondée sur la connexité des créances n’exige pas la réunion des conditions de liquidé et d’exigibilité.
Cette solution découle à la fois du texte de l’article L. 622-7 du Code de commerce sur la procédure collective qui ne pose pas d’autres conditions que la connexité.
Le nouvel article 1348 du Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016 est parfaitement clair et met fin à toute difficulté d’interprétation. Il dispose :
« La compensation peut être prononcée en justice, même si l’une des obligations, quoique certaine, n’est pas encore liquide ou exigible… »
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 novembre 2018 est donc parfaitement fondé en droit, c’est bien la cour d’appel de Pau qui a mal appliqué les principes juridiques en matière de compensation judiciaire.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
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