La propriété peut être démembrée entre le nu-propriétaire et l’usufruitier.
L’article L. 145-14 du Code de commerce met à la charge du bailleur le règlement d’une indemnité d’éviction en cas de non-renouvellement du bail.
Cette indemnité d’éviction est censée réparer le préjudice causé au locataire par le défaut de renouvellement.
En cas de démembrement de la propriété, qui est débiteur de l’indemnité d’éviction entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ?
La Cour de Cassation a eu à se prononcer sur cette difficulté par un arrêt publié au bulletin le 19 décembre 2019 (n°18-26162).
Dans cette espèce, l’usufruitière et le nu-propriétaire d’un immeuble à usage commercial ont délivré au locataire un refus de renouvellement sans indemnité d’éviction.
Un arrêt de la Cour d’appel a considéré qu’il n’existait aucun motif grave et légitime d’empêcher le locataire pour percevoir l’indemnité d’éviction.
La Cour d’appel a condamné in solidum l’usufruitier et le nu-propriétaire à payer l’indemnité d’éviction due au preneur.
L’arrêt de la Cour d’appel a retenu que l’usufruitier et le nu-propriétaire ayant fait délivrer ensemble l’acte de refus de renouvellement, ils sont tous les deux redevables de l’indemnité d’éviction tout en rappelant que l’acte de refus de renouvellement excède les pouvoirs du seul usufruitier.
En effet, en application de l’article 595 du Code civil, l’usufruitier dans l’hypothèse d’un démembrement de propriété ne peut consentir un bail commercial ou le renouveler sans le concours du nu-propriétaire ou à défaut d’accord de ce dernier, qu’avec une autorisation judiciaire, en raison du droit au renouvellement du bail dont bénéficie le locataire même après l’extinction de l’usufruit.
En revanche, la Cour de cassation rappelle que l’usufruitier a le pouvoir de mettre fin au bail commercial et de notifier au preneur sans le concours du nu-propriétaire un congé avec refus de renouvellement, et ce, en application d’une jurisprudence constante (Cour de Cassation, 29 janvier 1974).
L’usufruitier a donc selon la Cour de cassation seul la qualité de bailleur dont il assume toutes les obligations à l’égard du preneur.
L’indemnité d’éviction qui est due en application de l’article L. 145-14 du Code de commerce qui a pour objet de compenser le préjudice causé au preneur par le défaut de renouvellement du bail doit donc être à sa charge.
Dès lors, la Cour de cassation n’admet pas que la Cour d’appel condamne également le nu-propriétaire in solidum avec l’usufruitière dès lors que l’indemnité n’est due que par celle ci par application de l’article 595, dernier alinéa du Code civil.
Ainsi, l’obligation en paiement de l’indemnité d’éviction est une dette attachée à la qualité de bailleur et non à la propriété de l’immeuble.
C’est donc l’usufruitier ou le locataire principal en cas de sous-location qui doit l’assumer.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
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