Le droit d’entrée dû lors de la conclusion d’un bail commercial doit en principe être regardé comme un supplément de loyer qui constitue avec le loyer lui-même la contrepartie d’une opération unique de location.
En ce sens, il doit être soumis à la TVA au même titre que le loyer.Il ne doit pas être considéré comme une indemnité destinée à dédommager le bailleur d’un préjudice résultant de la dépréciation de son patrimoine.
Dans une affaire portée à la connaissance du Conseil d’Etat, une SARL avait conclu un contrat de bail commercial avec une autre société pour une durée de 10 ans renouvelable portant sur un local d’une surface de 108 m² pour exercer une activité de vente de vêtements. Le loyer annuel était de 154 000 € et le droit d’entrée de 600 000 € HT.
Ce droit d’entrée avait été facturé le jour de la prise d’effet du bail avec de la TVA. La SARL avait donc réglé la TVA et avait déduit cette TVA sur sa déclaration pour un montant de 117 600 €.
A la suite d’un contrôle fiscal, l’administration a remis en cause ce droit à déduction et a mis à la charge de la SARL un rappel de TVA au motif que le droit d’entrée correspondait à une indemnité destinée à dédommager le bailleur du préjudice qu’il subissait du fait de la dépréciation de son patrimoine liée à l’occupation du local.
On sait que les dommages intérêts visant à réparer un préjudice ne sont pas soumis à la TVA.
Le Conseil d’Etat n’a pas suivi cette argumentation (Conseil d’Etat 3/8 ch-r 15 Février 2019 n° 410796).
La haute juridiction administrative a considéré que le droit d’entrée dû lors de la conclusion du bail commercial devait être regardé par principe comme un supplément de loyer. Cet arrêt ne clos pas entièrement la discussion.
D’un point de vue fiscal, le droit d’entrée constitue un supplément de loyer sauf si le loyer défini par le contrat de bail n’est pas anormalement bas et que les clauses contractuelles et le montant de l’indemnité ne s’opposent pas à une telle qualification.
Bien évidemment, il est possible de qualifier une indemnité comme un supplément de loyer dès lors que le loyer lui-même versé est éloigné à la baisse de la valeur locative des locaux. Dans cette hypothèse, l’administration fiscale doit reconnaître que le pas de porte puisse être qualifié d’indemnité versée au bailleur au titre d’une dépréciation patrimoniale ou d’une cession d’un élément d’actif.
Cependant, l’acquisition par le preneur de la propriété dite commerciale (le droit d’ordre public reconnu au locataire d’obtenir un droit de renouvellement de son bail commercial) n’a pas été reconnu comme constituant un élément suffisant pour qualifier d’indemnité au bailleur le droit d’entrée, malgré la comptabilisation de ce droit d’entrée en tant qu’actif incorporel dans le bilan du locataire.
Dans sa décision le Conseil d’Etat vise :
- le premier alinéa de l’article 19 de la directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 relative à la TVA,
- l’article 257 bis du Code Général des impôts
- l’interprétation que la Cour de justice de l’union européenne a donné au premier alinéa de l’article 19 de la directive.
Cette décision du Conseil d’Etat ne veut pas dire que dans toutes les circonstances possibles le droit d’entrée est automatiquement assujetti à la TVA. Il y a des exceptions.
Mais il semble que le Conseil d’Etat soit de plus en plus regardant à considérer ce droit d’entrée comme assujetti à la TVA. Dès lors, le non assujettissement à la TVA doit faire l’objet de grandes précautions de la part des professionnels pour éviter tout redressement.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
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