(Cour de cassation, 3ème chambre civile, 27 juin 2024, n° 23-10.042)
Quelle est l’étendue de la remise en état du locataire en fin de bail ?
Ce sujet conduit à de fréquents contentieux entre bailleurs et locataires.
Le locataire, même s’il s’est engagé dans le bail initial à procéder à l’ensemble des réparations et à restituer un local en bon état, ne souhaite pas rendre un local neuf mais tenant compte de la durée de l’occupation qui, par définition, fait vieillir les locaux.
Quant au bailleur, il souhaite bien évidemment lorsqu’il a loué un bien en parfait état, le récupérer tel quel sans avoir à engager ne serait-ce qu’un euro de réparation.
En l’espèce, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait limité la somme due par le locataire au titre des travaux de remise en état des lieux en retenant l’avis de l’expert proposant de mettre à la charge de la bailleresse l’ensemble des travaux liés au mauvais entretien des lieux et à la vétusté normale eu égard au temps d’occupation des lieux et notamment le mauvais état des peintures au sol, la robinetterie usée, les menuiseries non entretenues et les peintures des façades en mauvais état.
La bailleresse a estimé que la vétusté provenait d’un défaut d’entretien qui l’avait accélérée et aggravée.
La charge de la vétusté peut dans le bail faire l’objet d’un transfert de charge sur le preneur.
En revanche, il n’est pas possible de transférer la charge de la vétusté lorsque celle-ci nécessite de gros travaux de l’article 606 du Code civil.
En l’occurrence, l’expert a quelque peu biaisé l’appréciation des juges du fond de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Celui-ci a estimé normal qu’au bout d’une trentaine d’années d’occupation des lieux, la bailleresse puisse récupérer un local avec une vétusté normale eu égard au temps d’occupation des lieux et qu’il lui appartenait en temps que bailleresse de les remettre en état.
En clair, l’expert, approuvé par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, a considéré que le vieillissement d’un bâtiment est à la charge de la bailleresse.
La Cour de cassation censure ce raisonnement.
Dès lors que la Cour a constaté que le bail stipulait que le locataire tiendrait les lieux loués en parfait état de réparation et d’entretien et aurait à sa charge toutes les réparations quelle qu’en soit la cause, y compris celles définies par les articles 1754 et 606 du Code civil (antérieurs à la réforme de 2014) il fallait conclure que le locataire était tenu de supporter le coût des réparations liées à la vétusté pour la part résultant d’un défaut d’entretien.
Dans cette affaire, on suppose que le bail n’était pas encore soumis aux dispositions de la loi Pinel rendant impossible le transfert des gros travaux de l’article 606 du Code civil au locataire.
Cependant, la solution reste identique.
Le locataire doit assumer la vétusté liée à un défaut d’entretien et il n’appartient pas de prendre en considération le nombre d’années du bâtiment afin de laisser à la charge du bailleur une vétusté considérée comme normale avec le temps, dès lors que celle-ci est bien reliée à un défaut d’entretien.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
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