Dans un arrêt en date du 15 avril 2016, n° 371274, Commune de LONGUEVILLE C/Société LES TROIS COTEAUX, le Conseil d’Etat a reconnu dans des circonstances particulières la possibilité pour le promoteur qui s’est vu opposé un refus jugé illégal de permis de construire d’obtenir la réparation du préjudice lié à la perte de bénéfice ou au manque à gagner résultant de l’impossibilité de réaliser l’opération immobilière.
Les faits de l’espèce étaient les suivants :
La société Les Trois Coteaux souhaitant réaliser une opération immobilière sur le territoire de la Commune de Longueville a conclu, avec un particulier vendeur, un compromis de vente assorti d’une condition suspensive tenant à l’obtention d’un permis de construire.
Le Maire de la commune de LONGUEVILLE a, par arrêté, refusé de délivrer le permis sollicité.
En raison de ce refus, et quand bien même elle avait la faculté de renoncer au bénéfice de cette clause, le promoteur n’a pas souhaité poursuivre la vente en raison du trop fort aléa d’obtenir un permis de construire lui permettant de concrétiser son projet. Toutefois, il a engagé un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté lui refusant le permis et en a obtenu l’annulation.
Forte de cette décision devenue définitive, la société Les Trois Coteaux a saisi le Tribunal Administratif de CAEN afin d’obtenir l’indemnisation du manque à gagner résultant du défaut de réalisation de l’opération immobilière induit par refus illégal du Maire de délivrer le permis de construire.
Ses demandes indemnitaires ayant été rejetées en premières instance, la Société Les Trois Coteaux a interjeté appel et a obtenu la condamnation de la Commune à lui verser la somme de 209 000 euros en réparation de son préjudice dont 180 000 euros au titre de manque à gagner découlant de l’impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d’un refus illégal de permis de construire.
Saisi sur pourvoi de la Commune de Longueville, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de La Cour Administrative d’appel de Nantes « en tant qu’il statue sur le préjudice indemnisable au titre du manque à gagner ».
Toutefois, si au cas d’espèce, la Haute juridiction administrative ne reconnaît pas le caractère indemnisable de préjudice résultant du manque à gagner, elle admet le principe d’une telle indemnité en cas de « circonstances particulières ».
Cette décision constitue une avancée de la position de la Haute Juridiction. Il est de principe que si le pétitionnaire n’a pu obtenir ultérieurement un permis de construire, il a droit à l’indemnisation des frais inutilement exposés pour la réalisation du projet en cause (frais d’acquisition foncière et de libération du sol, déduction faite de la valeur vénale du terrain d’assiette qui n’est pas inconstructible, frais d’étude et de gestion, frais financiers) (Conseil d’Etat, 17 juin 1983,
n° 27694).
Le manque à gagner résultant de l’impossibilité de réaliser une opération immobilière était par contre beaucoup plus difficile à obtenir, le Conseil d’Etat jugeant classiquement que le préjudice apparaissait en effet éventuel ou le considérait comme sans lien direct avec le refus illégal. L’Arrêt du Conseil d’Etat était donc particulièrement attendu puisque s’il n’ouvre pas grande la porte de l’indemnisation, il semble cependant reconnaître la possibilité d’obtenir dans des circonstances particulières, l’indemnisation du manque à gagner pour le promoteur.
Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord le principe selon lequel seul un préjudice direct et certain est indemnisable ; puis affirme que le préjudice découlant du manque à gagner suite à l’empêchement d’un projet immobilier provoqué par un refus illégal de permis est par nature incertain, indirect et par conséquent non indemnisable. Mais dans un considérant de principe, la Haute juridiction administrative infléchit la rigueur du principe en admettant que dans des « circonstances particulières », un tel préjudice peut être direct et certain. Il précise que ces circonstances particulières peuvent être caractérisées par « des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l’état avancé des négociations commerciales avec ces derniers ». Dans une telle hypothèse, le requérant sera alors fondé à demander réparation du manque à gagner qu’il pouvait espérer du projet ainsi avorté.
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