Par un Arrêt en date du 23 mars 2015, n° 348261, le Conseil d’Etat s’inscrit dans la jurisprudence QUENNESSON (Conseil d’Etat, 15 février 2012, n° 333631) et de l’arrêt rendu le 17 octobre 2014, n° 360968. L’attestation du pétitionnaire fait foi de sa qualité sans que le service instructeur n’ait à solliciter de documents complémentaires établissant cette qualité car il ne lui appartient tout simplement pas de vérifier la validité de l’attestation, sous réserves de la fraude. Dans l’Arrêt du 23 mars 2015, le Conseil d’Etat va cependant plus loin en affirmant que l’autorité administrative doit s’opposer à la déclaration ou refuser l’autorisation, si le caractère sérieux de la contestation est établi.
Le Conseil d’Etat critique ainsi la position des premiers juges qui « pour rejeter la demande de M et Mme B. tendant à l’annulation de l’opposition du maire d’A. à la déclaration préalable qu’ils avaient déposée en vue de l’édification d’une clôture en limite du tracé, établi après bornage judiciaire, du chemin rural bordant leur propriété, avait relevé que les requérants n’avaient pas qualité, au sens de l’article R 423-1 du Code de l’Urbanisme, pour déposer une déclaration préalable pour ce projet ; que, pour ce faire, il s’est fondé, d’une part, sur une décision judiciaire rendue dans le cadre d’une action en bornage, laquelle ne tranche pas la question de la propriété d’un fonds mais en détermine seulement la délimitation matérielle, et, d’autre part, sur les motifs d’une décision judiciaire, postérieure à l’arrêté contesté et rendue dans le cadre d’une action en revendication de propriété, relatifs au tracé du chemin rural revendiqué par des voisins des requérants aux fins d’obtenir la reconnaissance d’une servitude par destination du père de famille en application de l’article 692 du code Civil.«
Le Conseil d’Etat affirme « qu’en confirmant ainsi l’un des motifs retenus par le maire pour s’opposer à la déclaration de M et Mme B, alors d’une part, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qui lui était soumis et n’est d’ailleurs pas allégué que les requérants n’auraient pas fourni l’attestation prévue par l’article R 431-35 du Code de l’Urbanisme ou qu’ils auraient procédé à une manœuvre en vue d’obtenir par fraude que le maire d’A. ne s’oppose pas à leur projet et, d’autre part, qu’il ne résultait pas des décisions judiciaires précitée, eu égard à leur portée, que les déclarants ne disposaient pas du droit à déposer cette déclaration en application de l’article R 423-1 du même code, le Tribunal Administratif a commis une erreur de droit. »
Ainsi, il n’appartient pas à l’autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis, la validité de l’attestation établie par le pétitionnaire, et les tiers ne sauraient donc utilement, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vue de l’attestation requise, faire grief à l’administration de ne pas en avoir vérifié l’exactitude. Toutefois, lorsque l’autorité vient à disposer, au-moment où elle statue d’informations, de nature à établir le caractère frauduleux de la déclaration de la demande, ou faisant apparaître que le pétitionnaire ne dispose d’aucun droit à la déposer, il lui revient de s’opposer à la déclaration ou de refuser la demande pour ce motif.
Cette décision s’inscrit dans la réforme souhaitée par le pouvoir réglementaire, tendant à décharger le juge administratif de l’obligation de vérifier la qualité du pétitionnaire, obligation qui le conduisait à apprécier des notions de droit privé au regard de la définition du titre habilitant à déposer la demande d’autorisation ou du mandat conféré par les propriétaires du terrain d’assiette du projet. L’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 et son Décret d’application obligent ainsi seulement le pétitionnaire à attester dans sa demande une qualité lui permettant de solliciter l’autorisation. Aucune vérification n’est à opérer, l’administration n’étant tenue ni de contrôler l’existence d’un titre, ni encore moins sa régularité, mais devant simplement s’assurer de la seule présence de l’attestation dans la demande.
La seule exception à ce principe était l’hypothèse classique de la fraude, c’est-à-dire la manœuvre commise volontairement par le pétitionnaire dans le but d’induire en erreur l’administration sur la qualité du pétitionnaire pour déposer la demande d’autorisation d’urbanisme.
En cas de fraude quant à la qualité du demandeur, la sanction est particulièrement sévère : le permis délivré encourt en effet l’annulation et l’administration est susceptible de le rapporter à tout moment sous réserves d’avoir respecté la mise en œuvre de la procédure contradictoire.
Cependant, l’appréciation et la caractérisation de la fraude apparaissent pour le moins difficiles pour le service instructeur, puisqu’elles supposent l’existence de pièces, souvent rapportées par des tiers, démontrant que l’attestation fournie était intentionnellement mensongère et la demande, déposée en toute connaissance de cause.
Les cas de fraude se sont avérés pour le moins rares :
Lorsqu’un locataire atteste avoir qualité pour déposer sa demande d’autorisation, alors qu’il ne peut ignorer l’opposition du propriétaire à ces travaux compte tenu des litiges qui les opposent devant d’autres juridictions (Conseil d’Etat, 6 décembre 2013, n° 354703), sans que la haute juridiction ne caractérise la fraude alors même que l’autorité a été informée de l’opposition des autres co-indivisaires à la réalisation des travaux (Conseil d’Etat, 17 octobre 2014, n° 360968).
Dans l’arrêt commenté du 23 mars 2015, le Conseil d’Etat donne des clés pour apprécier la nature du contrôle de l’administration sur la régularité de l’attestation exigée par les dispositions de l’article R 423-1 du Code de l’Urbanisme.
Ainsi, outre le caractère frauduleux de l’attestation, l’administration peut également fonder son refus sur le fait qu’elle dispose d’informations démontrant l’absence de qualité du pétitionnaire malgré l’attestation produite. Le Conseil d’Etat a ainsi considéré que les éléments d’information issus d’une simple procédure de bornage qui ne tranche pas la question de la propriété ne démontraient pas, à l’évidence, le caractère frauduleux de l’attestation ou l’absence de qualité de manière exempte de toutes contestations sérieuses.
Dans un Arrêt encore plus récent du 15 avril 2015, n° 371309, la haute juridiction vient poursuivre son effort de précisions sur les conséquences de l’abandon de la théorie de propriétaire apparent et affirme que la demande de prorogation d’un permis de construire n’a pas à être accompagnée d’une attestation du demandeur, selon laquelle il continue à remplir les conditions pour solliciter le permis considérant qu’il résulte des dispositions des articles
R 434-21 et R 424-22 du Code de l’Urbanisme « que l’autorité compétente ne peut légalement refuser de faire droit à une demande de prorogation d’un permis de construire présentée deux mois au moins avant l’expiration de son délai de validité que si les règles d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres s’imposant au projet ont été modifiées, postérieurement à la délivrance du permis de construire, dans un sens qui lui est défavorable ; qu’aucune disposition n’impose qu’une demande de prorogation soit accompagnée d’une attestation du demandeur selon laquelle il continue de remplir les conditions définies à l’article R. 423-1 du même code pour solliciter un permis de construire. «
Ainsi, le Conseil d’Etat réaffirme le principe de la délivrance d’autorisation d’urbanisme sous réserves du droit des tiers déduisant de ce principe que l’autorité administrative n’a pas à vérifier la validité de l’attestation du pétitionnaire quand elle instruit, les exceptions à ce principe étant particulièrement restrictives : la fraude ou la démonstration, sans contestation sérieuse, que le pétitionnaire n’a pas qualité pour présenter la demande ou déposer la déclaration.
Sandrine FIAT
Avocats associés.
Comments ( 0 )