Référence : Loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels
Le 15 avril 2024 a été promulguée une nouvelle loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels.
Cette loi vise à limiter les conflits de voisinage, notamment à la campagne. Elle consacre dans le Code civil le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage consacré par la jurisprudence « nul ne doit causer à autrui un trouble » (Cass, Civ, 2ème, 19 novembre 1986, n°84-16.379, au visa de l’article 544 du code civil).
Le but étant de créer les conditions d’un « vivre ensemble » équilibré et à limiter les conflits entre néo-ruraux et paysans, acteurs économiques, culturels ou touristiques d’un territoire. Ce texte permettra également de régler les différends de voisinage dans les grandes villes, notamment entre les dark Stores et leurs riverains, qui supportent souvent de graves nuisances.
Est donc crée un nouvel article 1253 ajouté à un « Chapitre IV – Les troubles anormaux du voisinage » dans le Code civil qui prévoit :
« Le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.
Sous réserve de l’article L. 311-1-1 du code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités, quelle qu’en soit la nature, existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal. »
Il en découle le principe selon lequel le trouble de voisinage entraîne la responsabilité de plein droit de son auteur, à condition qu’il excède les inconvénients ordinaires du voisinage.
Une exception, reprenant la théorie de la préoccupation prévue à l’article L. 113-8 du Code de la construction et de l’habitation, est tout de même posée à ce principe puisque la responsabilité de la personne ne peut pas être engagée si l’activité :
- Est antérieure à l’installation de la personne se plaignant du trouble anormal ;
- Qu’elle respecte la législation ;
- Et se poursuit dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine de l’aggravation du trouble anormal de voisinage.
L’alinéa présente un champ d’application tout de même plus large que celui prévu à l’article L. 113-8 du Code de la construction et de l’habitation.
D’une part, toutes les activités, quelle que soit leur nature, sont potentiellement concernées par cette clause exonératoire de responsabilité, sous réserve que les trois critères précédemment mentionnés soient respectés.
D’autre part, l’alinéa ne vise plus simplement les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à certaines activités mais bien l’ensemble des troubles anormaux de voisinage, laissant la porte ouverte, notamment, à la prise en compte de dommages causés à un terrain.
Par conséquent, l’article L. 113-8 du Code de la construction et de l’habitation a été abrogé.
Il est à noter, également dans ce texte, l’absence de mention du « bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper un fonds », écartant ainsi la responsabilité dite du « voisin occasionnel » (travaux réalisés par un constructeur).
Il est possible de constater également l’ajout de « l’occupant sans titre » qui peut également être à l’origine d’un trouble anormal de voisinage.
Il convient de noter l’ajout, en parallèle, d’un nouvel article au Code rural et de la pêche maritime afin de prévoir des exonérations supplémentaires spécifiques pour les activités agricoles, à savoir l’article L.311-1-1 qui précise :
« La responsabilité prévue au premier alinéa de l’article 1253 du code civil n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités agricoles existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions, dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal ou dans des conditions qui résultent de la mise en conformité de l’exercice de ces activités aux lois et aux règlements ou sans modification substantielle de leur nature ou de leur intensité. »