Référence : Conseil d’État, 3 avril 2024 : n° 472476
En principe, les contrats par lesquels une personne publique acquiert ou loue un bien immobilier ne sont pas soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence.
Mais la jurisprudence admet que, par exception, un tel contrat soit qualifié de marché public lorsque la construction ou l’aménagement du bien sont destinés à répondre spécifiquement aux besoins d’un pouvoir adjudicateur, et que ce dernier a participé à la détermination des caractéristiques de l’ouvrage.
Dans cette affaire, les juridictions administratives étaient amenées à examiner la nature et la validité d’un contrat de bail en l’état futur d’achèvement conclu entre un centre hospitalier et une société civile immobilière, qui prévoyait la location de deux bâtiments existants et d’un bâtiment à construire.
Le Conseil d’Etat rappelle d’abord le principe suivant :
« Le contrat par lequel un pouvoir adjudicateur prend à bail ou acquiert des biens immobiliers qui doivent faire l’objet de travaux à la charge de son cocontractant constitue un marché de travaux au sens des dispositions précitées des articles 4 et 5 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 lorsqu’il résulte des stipulations du contrat qu’il exerce une influence déterminante sur la conception des ouvrages. »
Ainsi se concrétise l’appréciation de l’influence du pouvoir adjudicateur :
« Tel est le cas lorsqu’il est établi que cette influence est exercée sur la structure architecturale de ce bâtiment, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs. Les demandes de l’acheteur concernant les aménagements intérieurs ne peuvent être considérées comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur. »
En l’espèce, le Conseil d’Etat confirme l’analyse de la CAA de Marseille menée sur la base des pièces techniques du contrat, et juge que « tant l’aménagement du bâtiment existant A que la construction et l’aménagement du nouveau bâtiment C répondent aux besoins exprimés par le centre hospitalier ». Et par conséquent, le contrat de bail doit être requalifié en marché public de travaux.
La requalification du contrat va également entraîner son annulation.
En effet, le contrat prévoit que le bailleur est rémunéré par le paiement de loyers. Or, dans le cadre de la règlementation des marchés publics, les clauses de paiement différé sont interdites.
Le Conseil d’Etat confirme donc aussi sur ce point la décision de la CAA, qui conclut que la clause de paiement différé est indivisible du reste du contrat et « qu’eu égard à la nature de cette clause, le contenu du contrat présentait un caractère illicite et qu’un tel vice était de nature à justifier son annulation. »