Conseil d’État, 2ème – 7ème chambres réunies, 27 septembre 2023 n°466321
Dans son arrêt du 27 septembre 2023 dernier, le Conseil d’Etat rappelle le régime de plein contentieux très spécifique de l’action en démolition d’un ouvrage public construit ou implanté irrégulièrement sur une propriété privée à savoir :
« Lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d’un ouvrage public dont il est allégué qu’il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l’implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l’administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d’abord, si eu égard notamment à la nature de l’irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, en tenant compte de l’écoulement du temps, de prendre en considération, d’une part les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général. »
Ce faisant, le Conseil d’Etat rappelle le considérant de principe résultant d’une jurisprudence désormais bien établie depuis 2003 retenant que le juge peut ordonner la démolition d’un ouvrage public après avoir recherché si la régularisation était possible et si la démolition n’entraînerait pas une atteinte excessive à l’intérêt général (Cf. Conseil d’État, Section du Contentieux, 29/01/2003, 245239, Publié au recueil Lebon).
La ligne directrice est donc l’intérêt général. Le Conseil d’Etat en déduit :
« Aux termes de l’article 2227 du code civil : » (…) les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer « . Compte tenu des spécificités, rappelées au point précédent, de l’action en démolition d’un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni ces dispositions ni aucune autre disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action. L’invocation de ces dispositions du code civil au soutien de l’exception de prescription trentenaire opposée par la société Enedis était donc inopérante. Ce motif devant être substitué au motif par lequel l’arrêt attaqué juge non fondée cette exception, il y a lieu, par suite, d’écarter les moyens de cassation dirigés contre le motif retenu par la cour administrative d’appel de Versailles. »
Dans cette espèce, finalement, le Conseil d’Etat a, bien que ne considérant pas le moyen de prescription comme mobilisable, retenu comme un élément important, l’ancienneté de la présence de l’ouvrage public dans la balance des intérêts en présence et a caractérisé une atteinte excessive à l’intérêt général faisant obstacle au déplacement de l’ouvrage public.
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