Seul l’Etat peut aujourd’hui être responsable des dégradations causées du fait des attroupements et rassemblements, qu’ils soient armés ou non selon les dispositions de la loi du 7 janvier 1983 (loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 – loi Deferre ; JO 9 janvier 1983) codifiée en son article 92 à l’article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales. Par cette même loi de 1983, le législateur a reconnu la compétence exclusive de la juridiction administrative dans le cadre de ces affaires, le juge pénal étant incompétent (TC, 21-05-2001).
Pour engager la responsabilité de l’Etat, trois conditions doivent être réunies :
– la caractérisation d’un attroupement ou un rassemblement,
– la reconnaissance d’actes de violence constitutifs de crimes ou de délits,
– l’existence d’un lien de causalité (direct et certain) entre les deux : l’imputabilité des actes au comportement des manifestants.
Il ressort, néanmoins, des décisions déjà rendues par les juridictions administratives que la responsabilité sans faute de l’Etat est difficile à engager.
S’agissant, en effet, de la première condition : selon les arrêts du conseil d’Etat du 26 mars 2004 (Société BV Exportslachterii : n° 248623) et du tribunal des conflits du 15 janvier 1990 (Chamboulive et autre c/ Commune de Vallecalle : n° 02607), les actes de violence effectués par un groupe mais avec préméditation ne constituent pas des actes permettant d’engager la responsabilité sans faute de l’Etat. Cependant, le conseil d’Etat a considéré que dès lors que les actes ont été prémédités mais sont en lien avec les manifestations et sont effectués par les manifestants, la responsabilité de l’Etat peut être recherchée (CE, 3-10-2018 : n° 416352).
Quant à la seconde condition : il ressort de l’arrêt rendu par le conseil d’Etat du 8 janvier 1971 que le juge administratif doit apprécier les faits selon le droit pénal en vigueur pour savoir s’ils sont constitutifs d’un crime ou d’un délit, et ainsi exceptionnellement l’autorité de la chose jugée au pénal s’étend sur le juge administratif, car les faits reprochés doivent être constitutifs d’une infraction pénale (CE, 8-01-1971 : n° 77800).
Enfin, concernant les préjudices indemnisables, la loi du 7 janvier 1983 ne vient pas limiter les postes de préjudices pouvant être sollicités : ils peuvent, ainsi, être aussi bien corporels que matériels ou commerciaux (CE, 6-04-1990 : n° 112497).
C’est donc au regard de ce droit applicable que les victimes aux émeutes survenues à la suite de la disparition de Nahel pourront éventuellement obtenir indemnisation par l’Etat des nombreux préjudices subis.
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