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Août

Condamnation pénale d’un agent public et sanction disciplinaire : un droit à l’oubli ?

Référence : Conseil d’Etat, 3 mai 2023, n° 438248

Le devoir de probité du fonctionnaire se concrétise dès le recrutement, puisqu’aux termes de l’article L321-1 du CGFP, « nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire s’il ne jouit pas de ses droits civiques » et, « le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions. »

Ainsi l’administration peut vérifier le passé pénal du futur agent public avant de procéder à son recrutement ou sa titularisation, en demandant la communication du bulletin n°2.

En outre, depuis 2016, le code de procédure pénale permet au ministère public, dans le cas où le fonctionnaire risque une peine d’emprisonnement – et donc avant toute condamnation, d’en informer l’administration employeur, « s’il estime cette transmission nécessaire, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, pour mettre fin ou prévenir un trouble à l’ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens. » (Art. 11-2 CPP).

Toutefois l’agent n’est pas tenu d’informer l’administration d’une condamnation dont il ferait l’objet postérieurement à son recrutement (Conseil d’État, 04/02/2015, 367724).

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, les faits particuliers méritent d’être relatés : après signalement des services de police, le département de la Seine-Saint-Denis découvre un système de fraude aux prestations sociales organisé par certains agents des services concernés. Il ouvre alors une enquête administrative, en parallèle de l’enquête judiciaire, et décide la révocation d’un fonctionnaire, malgré l’avis du conseil de discipline, ce dernier estimant que les faits ne sont pas clairement établis, et qu’aucune condamnation antérieure n’apparaît au B2 de l’agent.

Par un biais qui n’est pas explicité, l’administration obtient ensuite communication d’anciennes condamnations de l’agent, qui soit n’avaient pas été inscrites, soit avaient été effacées du B2.

Les juges de première instance annulent la sanction, suivant l’avis du conseil de discipline. L’administration produit alors pour la première fois, devant la cour administrative d’appel, les anciennes condamnations de l’agent : la cour retient que ces condamnations peuvent être jugées incompatibles avec l’exercice des fonctions et annule le premier jugement.

Le pourvoi de l’agent saisit le Conseil d’Etat de deux questions : l’administration peut-elle se prévaloir de condamnations antérieures à son recrutement et n’apparaissant pas au B2 pour porter une sanction disciplinaire ? Si oui, les faits pour lesquels l’agent a été condamné sont-ils incompatibles avec l’exercice de ses fonctions ?

Aux termes de ses conclusions, la rapporteure publique penche pour une solution qui ne sera finalement pas suivie : elle fait valoir que l’engagement d’une procédure disciplinaire sur des antécédents judiciaires non visibles au B2 serait contraire au « droit à l’oubli » que permet la procédure d’effacement ou de non-inscription d’une condamnation.

La décision paraît plus nuancée. Le Conseil d’Etat convient que si des condamnations ont été effacées, c’est que l’autorité judiciaire a admis leur faible gravité.

Mais il procède cependant à une appréciation de la compatibilité des faits ayant donné lieu à ces condamnations avec l’exercice des fonctions de l’intéressé, concluant favorablement au requérant, et confirmant la nécessité de le réintégrer et reconstituer sa carrière.

Ainsi, des faits commis avant le recrutement du fonctionnaire, et portés à la connaissance de l’administration postérieurement peuvent justifier une sanction disciplinaire, mais sans aucun caractère d’automaticité.

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