La Cour de justice de l’Union Européenne a rendu un arrêt le 6 octobre 2021 suite à des questions préjudicielles sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la Directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Top System à l’État belge, au sujet de la décompilation, par le bureau de sélection de l’administration fédérale (Selor) d’un programme d’ordinateur développé par Top System et faisant partie d’une application sur laquelle ce bureau détient une licence d’utilisation.
Courant 2008, le Selor et Top System ont conclu un contrat ayant pour objet l’installation et la configuration d’un nouvel environnement de développement ainsi que l’intégration et la migration des sources des applications du Selor dans ce nouvel environnement.
Des problèmes de fonctionnement sont survenus. A défaut d’un accord avec le Selor concernant la résolution de ces problèmes, Top System a introduit un recours contre le Selor
soutenant que le Selor se serait livré de manière illégale à la décompilation du logiciel, une décompilation selon Top System, ne pouvant être réalisée qu’en vertu d’une autorisation de l’auteur, ou de l’ayant droit de ce dernier, ou encore à des fins d’interopérabilité. En revanche, elle ne serait pas permise à des fins de correction des erreurs affectant le fonctionnement du programme concerné.
Le Selor a reconnu avoir procédé à la décompilation d’une partie du logiciel dans le but d’en désactiver une fonction défaillante mais était en droit de procéder à cette décompilation dans le but de corriger certaines erreurs de conception affectant le logiciel qui rendaient impossible une utilisation de celui-ci d’une manière conforme à sa destination.
Dans sa décision la CJUE rappelle que la Directive protège les programmes d’ordinateur par le droit d’auteur en tant qu’œuvres littéraires. Le code source et le code objet d’un programme d’ordinateur, en tant qu’ils constituent deux formes d’expression de celui-ci, bénéficient de la protection par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur.
La « décompilation » qui vise à reconstituer le code source d’un programme à partir de son code objet constitue une opération de transformation de la forme du code d’un programme impliquant une reproduction, à tout le moins partielle et provisoire, de ce code, ainsi qu’une traduction de la forme de celui-ci.
la Cour affirme que la décompilation est une forme d’altération du code
La Cour précise que « cet acquéreur n’est en droit de procéder à une telle décompilation que dans la mesure nécessaire à cette correction et dans le respect, le cas échéant, des conditions prévues contractuellement avec le titulaire du droit d’auteur sur ledit programme ».
Ces actes doivent cependant être nécessaires pour permettre à l’acquéreur légitime d’utiliser le programme concerné d’une manière conforme à sa destination et, notamment, pour corriger des « erreurs » qui dans le domaine de l’informatique, désigne communément un défaut affectant un programme d’ordinateur qui est à l’origine d’un dysfonctionnement de celui-ci.
La Cour relève que les parties ne peuvent exclure contractuellement toute possibilité de procéder à une correction de ces erreurs, toutefois le titulaire et l’acquéreur demeurent libres d’organiser contractuellement les modalités d’exercice de cette faculté, notamment par la maintenance corrective du programme concerné.
Cour de justice de l’Union Européenne, 5e ch., arrêt du 6 octobre 2021
Nathalie Bastid – Avocate associée
Pour plus d’informations, vous pouvez la contacter bastidnathalie@gmail.com – 06.09.68.51.54
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