2020, année exceptionnelle à bien des égards, aura aussi été l’année de l’avènement des crypto monnaies. Cette attirance pour les actifs numériques a poussé le législateur a renforcé juridiquement le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). C’est ainsi que le 4 avril 2021 a été publié au journal officiel un décret n°2021-387 destiné à ce renforcement (I) alors que la cession de crypto monnaie par les particuliers n’a pas particulièrement évolué sur le plan fiscal, nous vous en rappellerons les principales dispositions (II).
I le cadre LCB-FT se renforce
Le décret n°2021-387 du 2 avril 2021 était attendu depuis l’ordonnance du 9 décembre 2020. Son principal effet est de supprimer les procédures allégées applicables pour les clients occasionnels. Il allège aussi les modalités d’identification.
Ainsi dorénavant, les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) enregistrés ou agréés et les émetteurs de jetons ayant le visa AMF doivent réaliser l’identification de leurs clients à chaque opération, quels qu’en soit le montant et la nature (crypto-fiat ou entre crypto).
L’identification se fait, lorsque le client est une personne physique, par le recueil de ses nom et prénoms, ainsi que de ses date et lieu de naissance et, lorsque le client est une personne morale, par le recueil de sa forme juridique, de sa dénomination, de son numéro d’immatriculation, ainsi que de l’adresse de son siège social et celle du lieu de direction effective de l’activité, si celle-ci est différente de l’adresse du siège social.
Cette obligation renforcée est entrée en vigueur le 1er mai 2021 et ne concerne que les acteurs crypto, et pas les autres assujettis aux obligations de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) comme les institutions financières.
Par ailleurs, ce décret renforce aussi les modalités d’identification des clients des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) à l’entrée en relation. Désormais les prestataires de services sur actifs numériques peuvent recourir à un moyen d’identification d’un niveau de garantie substantiel (et plus nécessairement élevé) ; celui-ci pouvant être certifié/attesté par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (sans nécessairement le notifier à la Commission européenne).
Ce décret indique également que les exigences en matière de gel des avoirs des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) seront précisées par de prochaines modifications du Règlement de l’AMF.
Enfin, en ce qui concerne la monnaie électronique, il est précisé que lorsqu’elle est utilisée pour l’achat d’actifs numériques, les émetteurs sont soumis aux obligations de vigilance à l’égard de la clientèle. Ce n’est pas le cas pour l’achat de tout autre bien/service de consommation, ces opérations bénéficiant d’une exemption.
Par ailleurs, petite révolution dans le libéralisme qui régnait jusqu’alors, ce décret permet de rappeler qu’à partir du 10 juin prochain, il sera interdit aux acteurs qui permettent l’échange crypto-crypto ou opèrent une plateforme de négociation d’actifs numériques d’exercer sans être enregistrés auprès de l’AMF.
II Principales dispositions fiscales sur la cession de crypto-monnaies par les particuliers
Pour mémoire, le législateur dans la loi de finances pour 2019 est venu instaurer un nouveau régime d’imposition (codifié à l’article 150 VH bis, I du CGI) des gains de cession d’actifs numériques applicable au 1er janvier 2019. Ces nouvelles dispositions ont été commentées par une circulaire fiscale publiée le 2 septembre 2019.
Conditions d’applications :
- Les personnes et opérations concernées.
Aux termes de l’article 150 VH bis du CGI, ne sont concernés par ce régime que les particuliers (personnes physiques) domiciliés fiscalement en France réalisant à titre occasionnel des opérations de gestion de leur patrimoine privé. Les plus-values réalisées à titre habituel sont imposables au titre des bénéfices industriels et commerciaux. Le législateur prévoit également que relève de ce régime la « cession à titre onéreux d’actifs numériques ». Autrement dit la cession doit être faite moyennant une contrepartie faite soit de monnaie ayant cours légal, soit de bien autre qu’un actif numérique ou de service.
- Les actifs numériques visés.
Ce nouveau régime fiscal ne frappe que les plus-values provenant de la cession d’actifs numériques définis à l’article L 54-10-1 du code monétaire et financier ainsi que les droits s’y rapportant. Il s’agit d’une part « des jetons mentionnés à l’article L 552-2 du code monétaire et financier » et d’autre part de « toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».
Une fois ces conditions satisfaites, les plus-values issues de cessions d’actifs numériques faites à titre onéreux sont imposables au prélèvement forfaitaire unique à savoir une taxation de 30% (12,8% au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2% au titre des prélèvements sociaux).
Toutefois il convient de noter que le B du II de l’article 150 VH bis du CGI prévoit une exonération pour les cessions d’actifs numériques dont la somme est inférieure à 305 euros au cours d’une année d’imposition. Enfin le législateur prévoit que les moins-values brutes réalisées lors d’une année d’imposition sont imputées uniquement sur les plus-values brutes de même nature enregistrées cette même année.
Détermination de la plus ou moins-value.
La plus ou moins-value réalisée lors de la cession d’actifs numériques correspond à la différence entre le prix de cession et le produit du prix total d’acquisition de l’ensemble du portefeuille d’actifs numériques par le quotient du prix de cession sur la valeur globale de ce portefeuille.
Le prix de cession correspond au prix réel perçu ou la valeur de la contrepartie obtenue par le cédant le cas échéant comprenant la soulte qu’il a reçue ou minoré de la soulte qu’il a versée lors de cette cession (150 VH bis-III-A CGI). Il peut être réduit des frais supportés par le cédant lors de cette cession.
Quant au prix total d’acquisition du portefeuille d’actifs numériques il s’agit de la somme des prix effectivement acquittés en monnaie ayant cours légal à l’occasion de l’ensemble des acquisitions d’actifs numériques ou de droits s’y rapportant réalisées avant la cession et de la valeur de chacun des services et des biens remis en contrepartie d’actifs numériques ou de droits s’y rapportant avant cette même cession (150 VH bis -III-B alinéa 1 CGI).
En cas d’acquisition à titre gratuit, le prix d’acquisition à retenir s’entend de la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit ou, à défaut, de la valeur réelle des actifs numériques ou des droits s’y rapportant déterminée au moment de leur entrée dans le patrimoine du cédant (150 VH bis -III-B alinéa 2 CGI).
Les obligations déclaratives.
La personne physique qui réalise une cession doit indiquer dans sa déclaration d’ensemble des revenus (déclaration 2042) le montant global de la plus ou moins-value réalisée au titre des cessions imposables de l’année. Le décret n°2019-656 du 27 juin 2019 est venu préciser les informations qui doivent être portées en annexe de la déclaration pour chaque session :
- Le prix de cession ainsi que les frais correspondants.
- Le prix total d’acquisition du portefeuille d’actifs numériques.
- La valeur globale du portefeuille d’actifs numériques.
- Le montant de la plus ou moins-value réalisée au titre de chaque session.
A titre de rappel, depuis le 1er janvier 2020, doivent être déclarés, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les comptes détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger (1649 bis C CGI).
Le manquement à cette obligation déclarative est passible d’une amende de 750 euros par compte non déclaré (125 euros en cas d’inexactitude ou omission), voire d’une amende de 1 500 euros lorsque le compte non déclaré présente un solde supérieur à 50 000 euros au moment de l’année d’imposition contrôlée.
Thierry Lebrun – Avocat associé
Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter : t.lebrun@cdmf-avocats.com–lebrun@cabinetlebrun.com 04.76.15.39.16
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