En fin d’année sociale, les comptes annuels peuvent présenter des bénéfices qui pourront être distribués aux associés à proportion de leurs participations au capital ou bien mis en réserve. Cette dernière possibilité peut être motivée par une nécessité de gestion, un projet d’investissement ou l’intérêt de la société.
Cette décision est prise collectivement, par l’ensemble des associés, lors de l’Assemblée générale ordinaire annuelle.
Que se passe-t-il, si, à l’issue de chaque décision annuelle, les associés majoritaires décident de priver les associés minoritaires de leur droit aux bénéfices en affectant systématiquement la totalité de ceux-ci en réserve ?
La mise en réserve systématique des bénéfices peut, par ce biais, priver les associés minoritaires de leur droit aux dividendes.
L’assemblée générale est certes souveraine, encore faut-il qu’elle statue conformément à l’intérêt de la société. Dans ce cas, il ne pourrait a priori y avoir d’abus de majorité, même si les associés minoritaires se voient privés d’une distribution éventuelle de dividendes et ce même lorsque l’assemblée générale met en réserve systématiquement les bénéfices.
L’appréciation du juge intervient dès lors, pour déterminer si substantiellement, la décision de mise en réserve revêt un intérêt social ou créée une rupture d’égalité entre les associés.
Cette problématique a été mise en évidence par la Cour de cassation dans une décision du 10 juin 2020 (Cass. Com., 10 juin 2020, n° 18-15614) dans laquelle elle énonce qu’il appartient au juge du fond d’expliquer en quoi la résolution litigieuse a été prise dans l’unique dessein de favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires pour représenter un abus de majorité.
En effet, la Cour confirme que l’intérêt social prime, et qu’il est donc possible d’admettre un abus de majorité à défaut d’intérêt motivé par une bonne gestion de la société. Pour cela, il sera nécessaire de prouver que la décision prise par les majoritaires de mettre en réserve les bénéfices réalisés par la société l’a été dans le seul but de les favoriser au détriment des minoritaires. A contrario, s’il est démontré que cette décision, positivement, a été prise dans l’intérêt social, en adéquation avec les différents objectifs, moyens, situation économique, en fonction de l’objet social de la société, notamment, elle ne serait pas constitutive d’un abus de majorité.
En conséquence, la réitération de l’absence de distribution de bénéfices par décision de l’assemblée générale peut donc être parfaitement justifiée par un intérêt social, ou réalisée dans un souci de bonne gestion et ne pas représenter un abus de majorité.
Article rédigé le 31 octobre 2020.
Thierry Lebrun – Avocat associé
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