La Loi Pacte, promulguée le 22 mai 2019 et complétée par un décret du 24 mai 2019, a profondément modifié les règles de l’audit légal des comptes et notamment le relèvement des seuils de désignation obligatoire des commissaires aux comptes.
Mais la modification des règles a aussi impacté les modalités de réalisation de certaines opérations sur le capital social dans les sociétés par actions (SA et SAS).
Du fait de l’augmentation sensible des seuils financiers à partir desquels la nomination des commissaires aux comptes n’est plus obligatoire dans ce type de sociétés, nombre de ces dernières se retrouvent – ou se retrouveront – sans commissaire aux comptes pour l’audit annuel de leurs comptes sociaux alors que certaines opérations nécessiteront cependant toujours la désignation ad hoc d’un commissaire aux comptes pour valider leur bonne fin juridique.
Les dirigeants de ces sociétés par actions devront donc nécessairement procéder à la nomination, par décision des actionnaires, de ce commissaire aux comptes ad hoc afin qu’il puisse établir le rapport nécessaire.
A défaut, l’opération juridique ne pourrait aboutir valablement.
Ces opérations sont les suivantes, pour les sociétés SA et SAS, telles qu’issues des modifications décidées par la loi Pacte :
– Augmentation de capital réalisée par offre au public ou par placement privé avec suppression du droit préférentiel de souscription par une société dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou si les titres nouveaux ne sont pas assimilables aux titres préexistants (art. L.225-136 C.com.). Ce cas, courant en pratique, vise notamment l’entrée au capital réservée au profit d’un nouvel actionnaire et donc la suppression du droit pour les actionnaires existant d’y souscrire. La mission du commissaire aux comptes ad hoc sera notamment de vérifier que les conditions légales de suppression du droit préférentiel de souscription sont respectées, compte tenu des conséquences en termes de dilution capitalistique pour les actionnaires en place.
– Augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription au profit de bénéficiaires dénommés ou de catégories de bénéficiaires (art. L.225-138 C.com.). Ce cas se rencontre également fréquemment en pratique lorsqu’il est décidé de favoriser l’augmentation de la participation de certains actionnaires stratégiques au détriment des autres. La mission du commissaire aux comptes ad hoc sera là aussi notamment de vérifier le respect des conditions légales de la suppression du droit préférentiel de souscription.
– Attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions (art. L. 225-177 C.com.)
– Attribution d’actions gratuites (art. L. 225-197-1 C.com.)
– Rachat par la société de ses propres actions (art. L.225-209-2 C.com.). Ce cas vise principalement la réduction de capital par remboursement de ses actions à un actionnaire sortant et annulation corrélative de celles-ci. Compte tenu de l’impact sur les capitaux propres, l’intervention d’un commissaire aux comptes ad hoc reste obligatoire pour vérifier là encore le respect des règles légales et des droits des associés.
– Libération d’actions par compensation de créances liquides et exigibles sur la société et tenant lieu de certificat du dépositaire (art. L.225-146 C.com.). Ce cas vise l’opération courante qui consiste à augmenter le capital social mais à libérer la souscription par compensation de créances, par exemple avec un compte courant créditeur d’associé. Cette opération a un double avantage : elle permet d’augmenter le capital mais l’actionnaire souscripteur n’est pas tenu au versement en numéraire de sa souscription puisqu’il détenait antérieurement une créance sur la société. Afin d’éviter les opérations de cavalerie, la mission du commissaire aux comptes ad hoc sera notamment de vérifier le caractère certain liquide et exigible de cette créance conformément aux dispositions légales et d’en délivrer le certificat.
On constate donc que la loi Pacte, tout en réduisant la nécessité pour les sociétés par actions de nommer un commissaire aux comptes pour l’audit annuel de leurs comptes sociaux, maintient l’intervention ponctuelle de l’un de ces professionnels pour certaines opérations juridiques jugées sensibles, ce afin principalement de s’assurer que les droits des associés et leur bonne information demeurent respectés.
En dehors des cas ci-avant détaillés, aucun rapport d’un commissaire aux comptes ad hoc n’est obligatoire.
Article rédigé le 28 septembre 2020.
Thierry Lebrun – Avocat associé
Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter : t.lebrun@cdmf-avocats.com-04.76.15.39.16
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