Une Commune ne peut pas assujettir un établissement bancaire au paiement d’une redevance d’occupation du domaine public pour les distributeurs automatiques de billets qui donnent directement sur l’extérieur.
BANQUE ET REDEVANCE D’OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC POUR LES DISTRIBUTEURS DE BILLETS
Une Commune ne peut pas assujettir un établissement bancaire au paiement d’une redevance d’occupation du domaine public pour les distributeurs automatiques de billets qui donnent directement sur l’extérieur.
Par une série de jugements rendus le 15 décembre 2009 (1), le Tribunal Administratif de Grenoble vient de trancher une question – apparemment inédite – qui témoigne du souci des collectivités locales de contrôler étroitement l’utilisation qui est faite de leur domaine public, voire de la valoriser économiquement.
La Ville d’Annecy avait, en effet, décidé, par une délibération du 19 décembre 2005,d’assujettir chaque distributeur automatique de billets placé en bordure du domaine public communal et accessible depuis le domaine public à une redevance annuelle de 336,65 €. Sur le fondement de cette délibération, elle a transmis les titres exécutoires correspondants aux établissements bancaires de la ville disposant de distributeurs de billets directement accessibles depuis le domaine public.
Le raisonnement de la Commune était assez simple et plutôt imaginatif : même si les établissements bancaires n’occupent pas personnellement et de manière privative le domaine public communal, en l’absence de saillie des distributeurs automatiques qui se trouvent en façade d’immeuble, ceux-ci peuvent être considérés comme retirant un avantage de l’utilisation du domaine public puisque les clients-usagers des distributeurs de billets ne peuvent les utiliser qu’en stationnant temporairement sur le domaine public.
En poursuivant le raisonnement, il était aisé de conclure que les établissements bancaires occupent bien, par l’entremise de leurs clients, le domaine public de manière privative, au moins sur le petit espace de trottoir se trouvant devant le distributeur et que sans cette occupation, le distributeur ne pouvait plus être utilisé. Il pouvait même être considéré que l’avantage retiré d’une telle occupation du domaine public était d’autant moins contestable que les établissements bancaires faisaient bien ainsi l’économie d’avoir à aménager à l’intérieur de leurs locaux d’agence des espaces pour leurs distributeurs automatiques avec des sas permettant d’y accéder vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
A la réception des titres exécutoires, un grand nombre d’établissements bancaires ont bien évidemment contesté cette redevance d’occupation du domaine public rappelant qu’ils n’occupaient pas matériellement le domaine public et que le stationnement temporaire des piétons sur le trottoir, le temps de la transaction automatisée, ne pouvait donner lieu au paiement d’une redevance reposant sur une délibération illégale du Conseil Municipal du 19 décembre 2005 qui crée une rupture d’égalité des usagers.
En effet, le domaine public fait l’objet de nombreuses occupations à caractère temporaire sans que l’on y décèle un avantage procuré qui justifierait l’assujettissement à une redevance. Tel est, notamment, le cas de l’ensemble des usagers des réseaux de transports en commun qui, debout sur le trottoir, attendent patiemment l’arrivée du bus, ou encore des clients de la boulangerie de quartier qui, le dimanche, allongent la file d’attente sur le trottoir …
La question dont était ainsi saisi le Tribunal Administratif n’avait, semble t’il, jamais été tranchée auparavant.
Il a fait droit à l’argumentation développée par les banques en rappelant que « les distributeurs ne sont pas placés sur le domaine public et que la redevance instituée par la ville d’Annecy n’a pas pour objet de taxer d’éventuelles saillies sur le domaine public que pourraient comporter ces appareils » et en considérant que « si ceux-ci ne peuvent leur fonction que grâce à l’arrêt momentané des usagers des distributeurs ne peuvent fonder l’institution d’un droit de voirie à raison de chacun de ces distributeurs ; qu’ainsi les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que la délibération du 19 décembre 2005 de la ville d’Annecy, qui ne saurait se prévaloir des dispositions de l’article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques qui n’étaient pas en vigueur à cette date, est illégale en tant qu’elle institue un droit de voirie sur les distributeurs automatiques de billets installés en bordure du domaine public ». C’est ainsi que « les titres exécutoires contestés qui sont fondés sur cette délibération illégale doivent par voie de conséquence être annulés ».
Dans ses conclusions éclairant la décision du Tribunal Administratif, le Rapporteur Public a rappelé les multiples usages privatifs dont pouvait faire l’objet le domaine public (notamment pour les terrasses de café, les présentoirs de cartes postales, …), pour évoquer plus particulièrement les cas des activités de marchand ambulant et de colportage lesquels ne peuvent être assujettis au paiement d’un droit de stationnement sur le domaine public lorsqu’en quête d’acheteurs, ils se bornent à s’arrêter momentanément pour conclure une vente (CE 15-03-1996, Syndicat des artisans, fabricants de pizzas non sédentaires Provence-Côte d’Azur : n° 133080). Le Rapporteur Public a certes convenu que les distributeurs de billets ne pouvaient s’assimiler aux cas de colportage et de déambulation mais il a souligné la similitude de situation au regard de la brièveté de l’utilisation du domaine public, qui était en effet limitée au seul temps de la transaction monétaire. Insistant sur le caractère temporaire du stationnement du client de la banque sur l’emplacement commun que constitue le trottoir, le Rapporteur Public s’est par ailleurs référé un autre arrêt du Conseil d’Etat qui a considéré que le stationnement temporaire dans un emplacement commun d’un port ne pouvait pas s’assimiler à une occupation privative du domaine public (CE 2-07-2003, Commune de Collioure : n° 257971).
C’est donc bien au regard du caractère strictement temporaire du domaine public par les clients des banques utilisant les distributeurs automatiques que le Rapporteur Public et le Tribunal Administratif ont considéré que la Commune ne pouvait assujettir les établissements bancaires au paiement d’une redevance pour une occupation privative du domaine public.
Il s’agit là d’une première pierre apportée à un édifice en construction puisque, rappelons-le, la question posée par la Ville d’Annecy et ses établissements bancaires semble n’avoir jamais été tranchée auparavant.
La Ville d’Annecy aurait, semble t’il, décidé d’accepter le jugement rendu par le Tribunal Administratif, mais gageons que d’autres communes s’intéresseront à la perspective ainsi ouverte.
Précisons enfin que cette affaire a également été l’occasion pour le Tribunal de rappeler que les titres exécutoires notifiés doivent d’une part, comporter les mentions relatives à l’identité et à la qualité de leur auteur conformément à l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 (voir en ce sens CAA Versailles 28-12-2006, Commune de Ris-Orangis : n° 05VE01044).
Index:
(1) TA Grenoble 5ème Chambre 15-12-2009, Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes : n° 0701431-0701434
TA Grenoble 5ème Chambre 15-12-2009, Société Lyonnaise de Banque, Banque Populaire des Alpes, Société Générale : n° 0703737-0703739-0703740
TA Grenoble 5ème Chambre 15-12-2009, Société BNP Paribas, Caisse de crédit mutuel d’Annecy Centre-Ouest : n° 0701809-0702035
L’auteur tient ici à remercier Monsieur B. Chevaldonnet, Rapporteur Public, pour l’aimable communication de ses conclusions.