La loi Pinel du 18 juin 2014 a modifié les équilibres du droit des baux commerciaux sur un certain nombre de sujets en tentant de rééquilibrer les droits et obligations du preneur et du bailleur.
L’article L. 145-34 prévoit qu’à moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1e et 4e de l’article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires.
L’article L. 145-3 mentionne les quatre cas qui peuvent entraîner un déplafonnement du loyer commercial par application des dispositions de l’article L. 145-34 du Code de commerce.
Il s’agit alternativement de la modification notable soit :
- Des caractéristiques du local considéré.
- De la destination des lieux.
- Des obligations respectives des parties.
- Des facteurs locaux de commercialité.
Un certain nombre de bailleurs ont estimé que la loi Pinel du 18 juin 2014 et son décret d’application du 3 novembre 2014 modifiaient substantiellement et notablement les obligations du bailleur en faveur du preneur, ce qui justifierait un déplafonnement du loyer en renouvellement et sa fixation à la valeur locative au visa de l’article R. 145-8 du Code de commerce.
La loi et le décret concernant la loi Pinel intègrent pour le calcul des loyers plafonnés l’indice des loyers commerciaux au lieu et place de tout autre indice, des modifications en faveur du preneur résultant de la prise en charge des travaux et des charges, des modifications relatives au lissage du loyer déplafonné, des modifications des règles applicables à la solidarité, à l’état des lieux, et des nouvelles obligations d’information relatives aux charges et travaux.
Certains bailleurs ont estimé pour exemple que la modification des obligations des parties découlant de la loi relative à la charge des grosses réparations de l’article 606 du Code Civil, était susceptible d’entraîner un déplafonnement du loyer car cette modification intervenue par l’instauration de la loi Pinel est d’ordre public et a impacté de manière notable le bail au cours de la période expirée.
Il convient de rappeler que jusqu’à l’application de cette réforme législative, les parties étaient libres de fixer comme elles l’entendaient la répartition des charges et des travaux entre elles et d’en transférer au preneur la charge finale quand bien même celle-ci incomberait normalement au bailleur.
Il convient donc de savoir si les modifications apportées par la loi aux clauses du bail renouvelé, quant à la charge des travaux, ou à toutes autres obligations respectives des parties, seraient de nature à entraîner un déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé si elles présentent effectivement un caractère notable.
La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 3 avril 2019 (Pôle 5, Chambre 3, n°17/21462) a estimé que les différents motifs invoqués relatifs à la modification de l’indice de référence du loyer indexé plafonné, de lissage des augmentations de loyers en cas de déplafonnement, de l’établissement d’un état des lieux, de la réduction de la durée de la solidarité entre cédant et cessionnaire à trois ans, n’étaient pas de nature à entraîner un déplafonnement du loyer, dans la mesure où les modifications législatives alléguées n’étaient pas génératrices de charges nouvelles pour le bailleur et n’affectaient pas un des éléments à prendre en compte pour fixer la valeur locative.
Ainsi, la Cour d’appel de Paris estime que les dispositions d’ordre public de la loi Pinel venant modifier l’équilibre en des obligations respectives des parties en faveur du preneur, ne constituaient pas des modifications notables permettant le déplafonnement de loyers.
Cette solution est heureuse.
En effet, il apparaît difficile d’admettre et de concevoir que c’est la loi et le décret qui par de nouvelles dispositions de rééquilibre, entraînent un déplafonnement des loyers au préjudice du preneur alors que ces dispositions législatives ont justement eu pour but de rééquilibrer les obligations respectives des parties en faveur du preneur.
A ma connaissance, aucun arrêt de la Cour de cassation n’est intervenu dans ce domaine, mais il est fort à parier que le raisonnement de la Cour d’appel de Paris du 3 avril 2019 soit confirmé par la plus haute juridiction.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
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