Cass. 1re civ., 23 oct. 2024, n° 22-16.171
Une héritière, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’héritière et de représentante de l’indivision successorale, a assigné un bailleur ainsi que les compagnies d’assurance en réparation du trouble de jouissance et du préjudice moral subi tant par elle-même que par son père décédé, locataire d’un appartement appartenant à ce bailleur, suite à divers dégâts des eaux.
L’héritière avait limité le montant de sa demande au quart de la créance indemnitaire correspondant à sa part dans la succession.
La Cour d’appel de PARIS, dans son arrêt du 16 novembre 2021, a déclaré sa demande irrecevable en ce qu’elle agissait en tant qu’héritière, dès lors que la créance revendiquée portait sur un droit indivis, ce droit indivis étant selon la Cour d’appel un tout qui n’est pas divisible entre les héritiers.
La Cour a rappelé que cette action portait sur une inexécution contractuelle qui constituait une faute ouvrant droit à une indemnisation qui n’était pas non plus divisible et devait profiter à l’ensemble de l’indivision et non qu’à une héritière.
Cette héritière avait formé un pourvoi en cassation, considérant que sa créance indemnitaire était par essence divisible, celle-ci fondée sur une inexécution contractuelle constitue une créance monétaire de plein droit divisible.
Elle prétendait, en sa qualité de cohéritière, avoir le pouvoir d’accomplir seule avant partage les actes d’administration de la créance et d’agir en recouvrement dans la limite de sa part.
La Cour de cassation a rappelé au visa des articles 1217 et 1220 du Code civil qu’une obligation divisible ou indivisible selon qu’elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l’exécution, est ou n’est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.
La Cour de cassation considère que la créance de dommages-intérêts réparant un préjudice causé par l’inexécution d’une obligation contractuelle est divisible, quand bien même l’obligation inexécutée ne l’était pas.
La Cour de cassation rappelle également que l’obligation qui est susceptible de division doit être exécutée entre le créancier et le débiteur comme si elle était divisible.
La divisibilité n’a d’application qu’à l’égard de leurs héritiers qui ne peuvent demander la dette ou qu’ils ne soient tenus de la payer que pour les parts dont ils sont saisis ou dont ils sont tenus comme représentant le créancier ou le débiteur.
Dès lors, chaque héritier peut demander au débiteur le règlement de sa part d’une créance indemnitaire du défunt.
En conclusion, tout héritier peut réclamer individuellement le règlement de sa part de la créance à la société bailleresse.
Cette décision clarifie la nature divisible des créances indemnitaires dans le cadre d’une indivision successorale.
La Cour d’appel de PARIS avait confondu indivisibilité de l’obligation et divisibilité de la créance qui en résulte.
La Cour de cassation prend une position très libérale et ouverte pour protéger le droit des héritiers à obtenir réparation sans l’accord de l’ensemble des héritiers.
Béatrice Bénichou- Médina – Notaire – Office Notarial Europole Presqu’île
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