Arrêts de la Cour de cassation du 30 juin 2022)
La Cour de cassation était très attendue sur l’exigibilité des loyers durant la période Covid, notamment durant la première période de confinement du 15 mars au 11 mai 2020.
Les juridictions des référés avaient été saisies avec des décisions parfois contradictoires sur l’ensemble du territoire français.
Certains juges des référés ont condamné par provisions les locataires à payer les loyers dus au profit des bailleurs.
D’autres se sont réfugiés sur l’existence d’une contestation sérieuse, leur permettant d’éviter d’aborder et de trancher la question.
Les Cours d’appel ont ensuite été saisies et enfin la Cour de cassation a été chargée de dire et d’interpréter le droit.
Deux décisions ont été rendues le 30 juin 2022, n° 21-20.127 et n° 21-20.190.
Les décisions sont sans appel sur l’exigibilité des loyers au profit des bailleurs.
Ces décisions sont logiques dès lors que dès l’origine, les ordonnances prises par le Gouvernement n’ont à aucun moment prévu une exonération des loyers du fait de la pandémie.
La Cour de cassation considère de manière très ferme que la mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance, de sorte qu’un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers.
La Cour de cassation a été saisie d’une trentaine de pourvois.
Trois pourvois ont été examinés en priorité par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation.
Le Parquet Général de la Cour de cassation a versé aux débats une note du Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance relative à l’impact de la crise sanitaire sur les loyers.
Il ressort des statistiques que 45 % des établissements commerciaux de détail ont été fermés durant la crise sanitaire.
Les loyers et charges locatives immobilisés sont estimés à plus de 3 milliards d’euros.
Les entreprises ont bénéficié de différentes aides.
A aucun moment, dans les différentes législations prises dans l’urgence par le Gouvernement et notamment la loi du 23 mars 2020, les décrets du 23 mars 2020 et du 14 avril 2020, le Gouvernement n’a écarté l’application du droit commun de la relation contractuelle.
Certains bailleurs ont estimé que la fermeture administrative au public constituait une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du Code civil.
La Cour de cassation considère que l’interdiction de recevoir du public en période de crise sanitaire n’est pas assimilable à une perte de la chose louée dès lors que l’interdiction de recevoir du public :
– était générale et temporaire,
– avait pour seul objectif de préserver la santé publique,
– était sans lien avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat.
La mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas non plus constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance.
La Cour de cassation a également rejeté la notion de force majeure décrite à l’article 1218 du Code civil.
En effet, en matière contractuelle il y a force majeure lorsqu’un événement échappe au contrôle du débiteur et l’empêche d’exécuter son obligation.
Il s’agit donc d’un événement qui ne pouvait être prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées.
Cette notion est également rejetée.
Il est important de noter que dans l’arrêt n° 21-20.127 qui concerne la société Odalys, la Cour de cassation considère que les restrictions résultant des mesures législatives et règlementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire n’étaient pas imputables au bailleur, n’emportaient pas perte de la chose.
Dès lors, le juge des référés était parfaitement compétent pour condamner le locataire au paiement d’une provision, dès lors que l’obligation de payer le loyer n’était pas sérieusement contestable.
Enfin, dans l’arrêt n° 21-20.190 qui concerne la société Action France, la bonne foi du bailleur a été analysée.
En effet, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi aux termes du Code civil.
En l’espèce, le bailleur avait accepté un report de loyer, mais avait fait pratiquer 3 semaines seulement après la fin du confinement une mesure d’exécution forcée à l’encontre de son locataire pour obtenir le paiement des loyers échus pendant la fermeture des locaux et ce, sans tentative préalable de renégociation du contrat pour l’adapter aux circonstances autre que la proposition de report d’un mois de loyer sous la forme d’un commandement de payer.
La Cour de cassation considère qu’il ne s’agit pas d’une exécution du contrat de mauvaise foi devant entraîner des conséquences dommageables au bailleur.
Ainsi, dès lors que le bailleur a fait montre de compréhension tout en restant ferme sur le règlement des loyers dus, aucun reproche ne peut lui être adressé.
Ces arrêts vont sans doute mettre fin à toute une série de contentieux qui fleurissent dans toutes les juridictions.
Les locataires ont donc tout intérêt à négocier des délais de paiement ou des reports, en justifiant de leur situation économique et de trésorerie.
Il s’agit pour l’heure de la seule voie possible.
Les arrêts rendus par la Cour de c
assation le 30 juin 2022 sont donc les bienvenus.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter jl.medina@cdmf-avocats.com – 04.76.48.89.89
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