La loi Pinel du 18 juin 2014 en matière de baux commerciaux avait pour objectif de rééquilibrer les rapports bailleurs-locataires au profit des locataires.
Nonobstant les échéances politiques à venir, il est à craindre que ce nouvel équilibre ne soit pas modifié.
Tous les baux renouvelés depuis la date d’application de la loi modifient les rapports de force entre locataires et bailleurs notamment en matière de gros travaux.
En effet, il n’est désormais plus possible d’imputer aux locataires les gros travaux prévus et décrits à l’article 606 du Code Civil à savoir les murs et voûtes, les poutres et les couvertures entières ,digues et des murs de soutènement et de clôture : la liste est limitative
Dès lors, tous les baux signés ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014 emportent transfert des gros travaux de l’article 606 du Code Civil au préjudice d bailleurs pour tous nouveaux contrats ou renouvellement à compter du 1er septembre 2014.
Avec ce transfert de charges, qui est désormais d’ordre public, le bailleur a intérêt quelques mois avant le renouvellement de son bail de procéder à une expertise du bâtiment loué afin de vérifier si son locataire, dans hypothèse où celui-ci assume contractuellement les charges de l’article 606 du Code Civil a bien respecté ses engagements.
En effet, à la date du renouvellement, et quelques soient les modalités contractuelles choisies, les gros travaux de l’article 606 seront désormais à la charge du bailleur.
La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dites loi Macron a également pour objectif de simplifier et alléger les obligations des entreprises.
La philosophie de la Loi Macron est de se passer de l’acte d’huissier dit extrajudiciaire pour le remplacer, là où c’est possible par la lettre recommandée avec accusé de réception.
En matière de congé délivré soit par le bailleur, soit pas le locataire, la loi Pinel du 18 Juin 2014, l’article L.145-9 avait prévu la délivrance du congé à l’échéance visé par l’article L145-9 par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire, au choix.
La loi Macron, pourtant censée simplifier ce texte a modifié le texte en précisant que le congé ne pouvait être donné que par acte extrajudiciaire, c’est-à-dire par acte d’huissier. Exit donc la lettre recommandée !
S’agissant du congé à l’expiration d’une période triennale prévue par l’article 145-4,ouvert au locataire, la loi Pinel avait prévu une délivrance obligatoire par acte extrajudiciaire, alors que la loi Macron près d’une année plus tard a prévu cette faculté à la fois par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par acte extrajudiciaire (acte d’huissier).
L’objectif de simplification voulu par la loi MACRON a engendré finalement plus de confusions, de complication que d’éclaircissements.
Ces modifications instaurent désormais une dualité de régime pour la délivrance des congés en distinguant celui émanant du locataire et celui du bailleur, et ce, quel que soit l’époque à laquelle le congé est notifié.
Tous les congés d’un locataire pourraient être notifiés par lettre recommandée, tandis que ceux d’un bailleur devraient être signifiés par acte d’huissier, encore que, certains auteurs ont pu estimer que la demande de renouvellement émanant du locataire conformément aux dispositions de l’article L.145-9 ne pourrait s’effectuer que par le biais d’un acte extrajudiciaire.
Au passage, et pour simplifier, les réformes Pinel et Macon ont laissé sur le tapis les dispositions de l’article R.145-1-1 du Code de Commerce qui précisait :
« Lorsque le congé prévu à l’article L.145-9 est donné par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la date du congé est celle de la première présentation de la lettre ».
Or, ce type de congé par lettre recommandée n’est plus prévu par l’article L.145-9 depuis la loi Macron du 6 août 2015 et ne peut en conséquence concerner que l’article L.145-4 qui concerne les congés à l’expiration d’une période triennale ou dans l’hypothèse où le locataire bénéficie de ses droits à la retraite du régime social auquel il est affilié ou être mis au bénéfice d’une pension d’invalidité ou enfin pour les ayants droits en cas de décès du locataire.
Finalement, un décret intervenu le 11 mars 2016 corrige ces anomalies par la création d’un nouvel article R.145-38 du Code de Commerce relatif aux notifications par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans le cadre d’un bail commercial.
Le décret abroge l’article R.145-1-1 du Code de Commerce qui était devenu inadapté.
Le nouvel article R145-38 du Code de Commerce dispose désormais que lorsqu’en application des différentes dispositions du Code de Commerce en matière de baux commerciaux, une partie recourt à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la date de notification à l’égard de celui qui y procède est celle de l’expédition de la lettre et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la première présentation de la lettre.
Ainsi, la lettre recommandée avec demande d’avis de réception est possible dans les hypothèses suivantes :
- Congé du preneur à l’expiration d’une période triennale (article 145-4 du Code de Commerce)
- Demande de renouvellement du preneur (article L.145-10 du Code de Commerce)
- Droit de repentir du bailleur (article L.145-12 du Code de Commerce)
- Réponse du preneur à l’offre d’un local de remplacement et d’exercice du droit de priorité en cas de reconstruction d’un nouvel immeuble (article L.145-18 et 19 du Code de Commerce)
- Les notifications dans le cadre d’une déspécialisation (article L.145-47-49 et 55 du Code de Commerce).
Le texte de l’article R.145-38 qui rappelle les dispositions de l’article 668 du Code de Procédure Civile instaure une double date.
La date d’expédition est celle qui figure sur le cachet du bureau d’émission alors que la date de notification à l’égard de celui qui la reçoit est, en matière de bail commercial, la date de première présentation.
Mais attention, lorsque la lettre ne peut être présentée à son destinataire, la démarche doit être renouvelée par acte extrajudiciaire.
Il s’agit du cas où les services postaux ne retrouvent pas le destinataire comme n’habitant pas à l’adresse indiquée.
En conclusion, la confusion instaurée par les lois Pinel et Macron sur les modalités de remise de certains actes doit nous inciter à la plus grande prudence.
Compte tenu du coût d’un acte d’huissier,acte qui donne date et contenu certain, certitude du domicile et fait courir de manière certaine certains délais, il est encore sage de préconiser dans tous les cas de figure le recours à l’acte extrajudiciaire d’huissier.
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