La Cour de cassation a eu à se prononcer sur un problème souvent complexe à traiter pour les praticiens.
Une société locataire de locaux commerciaux à usage de salon de coiffure a sollicité le renouvellement de son bail passé la durée de 12 ans de son bail.
Ce renouvellement du bail intervient en fixant le loyer à la valeur locative
Faute d’accord sur le prix du bail renouvelé, le bailleur a saisi le Juge des loyers Commerciaux.
Le preneur avait réalisé des travaux durant la période du bail expiré.
L’arrêt ne permet pas de savoir l’ampleur des travaux réalisés, mais ces travaux ont un impact certain sur la valeur locative.
Le bail contenait une clause aux termes de laquelle tous les embellissements, améliorations, installations et décors quelconques effectués par le preneur dans les lieux loués pendant le cours du bail resteraient la propriété du bailleur à moins que celui-ci ne préfère demander le rétablissement des lieux dans leur état primitif aux frais du preneur.
Mais l’accession ne devait jouer qu’en fin de jouissance, de sorte que le preneur restait propriétaire des embellissements, améliorations et installations en cas de renouvellement du bail.
La valeur locative du loyer doit-elle prendre en compte ces embellissements toujours propriété du preneur et entraîner une réfaction de la valeur locative puisque par définition le local sans embellissements, améliorations et installations a une valeur locative moindre ?
La Cour d’appel de PARIS dans un arrêt du 13 janvier 2017 a considéré qu’il convenait d’apprécier la valeur locative sans tenir compte des travaux réalisés par le preneur et de fixer donc cette valeur locative à la valeur unitaire basse proposée par l’expert.
La Cour de Cassation a censuré le raisonnement de la Cour d’Appel sur le fondement de l’article R.145-8 du Code de Commerce.
En effet, la Cour de Cassation décide que dès lors que l’estimation de l’expert était fondée sur une accession en fin de bail et intégrait dans la valeur locative des travaux d’aménagement réalisés par le locataire, la Cour d’Appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
Cela veut dire que la Cour d’Appel n’aurait pas dû prendre en compte la valeur unitaire basse proposée par l’expert qui elle-même tenait compte des travaux réalisés par le preneur.
Il convient de préciser que les travaux réalisés par le locataire en cours de bail suscitent énormément de contentieux car le système juridique n’est pas simple à comprendre pour les praticiens car il a un lien avec le déplafonnement du loyer.
Si les travaux d’améliorations modifient les caractéristiques des locaux loués, ils doivent entraîner le déplafonnement à l’échéance du bail par application des articles L145-33, L145-34 et R.145-3 du Code de Commerce.
En revanche, s’il ne s’agit que d’améliorations apportées aux lieux loués sans modification des caractéristiques (la notion d’amélioration n’étant définie ni par le texte ni par la jurisprudence) le déplafonnement du loyer et leur intégration dans la valeur locative sont acquis dès le renouvellement du bail en cours duquel ces travaux ont été réalisés, à la condition que le bailleur en ait assumé la charge soit directement, soit indirectement, à défaut, le déplafonnement interviendra au second renouvellement.
Ainsi, pour relier ces notions à l’Arrêt commenté, il faut considérer que les travaux d’améliorations effectués par le preneur n’ont pas été financés par le bailleur, n’ont pas modifié les caractéristiques du local et sont restés la propriété du preneur compte tenu du renouvellement du bail.
Par ailleurs le déplafonnement est ici automatique mais il s’agit ici d’un bail qui a duré plus de 12 ans.
Il convient donc de manier l’ensemble de ces concepts avec beaucoup de précaution et de choisir à chaque fois la bonne stratégie.
En tout état de cause, l’Arrêt commenté est conforme aux textes et à la jurisprudence dominante.
Arrêt Cour de Cassation Chambre Civile 3ème 14 juin 2018, n°17-14599.
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