La Cour de Cassation a dû revenir dans son arrêt en date du 15 décembre 2016 sur la problématique de la charge de la preuve après délivrance par le bailleur d’un commandement de mettre fin à une infraction dans le délai d’un mois et visant la clause résolutoire.
A l’issue du délai d’un mois, qui doit rapporter la preuve que l’infraction a cessé ou a perduré ?
Dans l’espèce traitée par la Cour de Cassation, les parties étaient liées par un bail en date du 20 mars 2000.
La destination du bail prévoyait comme activité celle de glacier, salon de thé et vente de boissons chaudes ou froides et de pâtisserie à emporter ou consomme sur place, à l’exclusion de toute fabrication.
Il était reproché au preneur d’avoir exercé la fabrication de crêpes et de gaufres sur le trottoir en dehors du local loué.
Le bailleur a estimé que cette activité constituait une infraction à la clause de destination du bail.
Le bailleur a délivré un commandement d’avoir à cesser l’infraction dans le délai d’un mois et visant la clause résolutoire, le 18 octobre 2012.
La fabrication de crêpes sur place était établie par la production d’un procès-verbal dressé par un huissier de justice, en date du 24 juin 2012.
Pour contester la réalité de l’activité exercée en infraction du bail, le locataire a fait constater par huissier, le 15 novembre 2012, c’est-à-dire dans le délai d’un mois, qu’aucune crêpe n’était fabriquée sur place.
Ce constat d’huissier était contesté par le bailleur, lequel prétendait que son locataire ne rapportait la preuve que de l’absence de fabrication sur place de crêpes le jour où l’huissier s’est déplacé, mais qu’aucune autre pièce aux débats ne démontrait qu’à l’exception du jour de passage de son huissier, elle ait cessé la fabrication de crêpes.
La Cour d’Appel de Paris, dans son arrêt du 17 juin 2015, réformant la décision de première instance, avait estimé que la vente de crêpes et de gaufres sur place et à emporter n’était pas une activité conforme à la clause de destination du bail, avait suspendu les effets de la clause résolutoire contenue dans le commandement du 18 octobre 2012 et a accordé un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt pour régulariser l’infraction de fabrication de crêpes sur place.
À défaut de respecter la clause de destination de bail dans le délai préconisé par l’arrêt de la Cour d’Appel, la clause résolutoire produirait ses effets.
La Cour de Cassation n’a pas suivi le raisonnement de la Cour d’Appel de Paris.
Elle a estimé qu’il appartenait au bailleur d’établir la persistance de l’infraction après l’expiration du délai de mise en demeure de sorte que la Cour d’Appel avait inversé la charge de la preuve et violé les dispositions de l’article 1315 du Code Civil.
Il appartient en effet à celui qui invoque une infraction de la démontrer.
La résiliation de plein droit d’un bail commercial ne peut intervenir qu’un mois au moins après le commandement de payer ou d’exécuter demeuré infructueux aux termes de l’article L145-41, alinéa 1, du Code de Commerce.
C’est en effet à la date à laquelle le commandement devait produire effet qu’il faut se placer pour savoir si ses causes ont été satisfaites.
Il appartient donc sur le plan pratique au bailleur qui poursuit la résiliation du plein droit du bail de faire effectuer deux constats :
- Un premier constat qui démontre l’existence de l’infraction aux clauses du bail et support du commandement qui est délivré au preneur visant la clause résolutoire et faisant sommation au preneur de respecter les clauses du bail.
- Un second constat d’huissier effectué à l’issu de la période d’un mois, pour vérifier si le preneur s’est conformé à la mise en demeure qui lui a été adressée.
À défaut de produire les deux constats d’huissier, il est impossible à une juridiction de conclure, quels que soient les indices du dossier, à la persistance de l’infraction.
La Cour de Cassation ne fait que confirmer sa jurisprudence traditionnelle en rappelant que la preuve de la persistance de l’infraction aux clauses du bail après l’expiration du délai de mise en demeure incombe bien au bailleur.
(Cass. Civ. 3ème Chambre. 13 novembre 1997)
Il ne s’agit que du respect des dispositions de l’article 1315 devenu 1353 du Code Civil.
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