(Cour de cassation, 3ème chambre civile, 20 juin 2024, n° 23-10.559)
Le bail à construction est une modalité spécifique de contrat de location régie par les articles L 251-1 à L 251-9 et R 251-1 à R 251-3 du Code de la construction et de l’habitation.
Sa durée est comprise entre 18 et 99 ans et confère au preneur qui a une obligation de construire un droit réel immobilier dont il profite pendant toute la durée du bail.
L’originalité de ce bail est qu’il oblige le preneur à construire.
En général, les modèles de baux prévoient que la propriété des constructions édifiées par le preneur soit transférée au bailleur en fin de bail à défaut de convention contraire et ce, aux termes de l’article L 251-2 du CCH.
Le plus souvent, les modèles de baux à construction ne prévoient pas d’indemnité au profit du preneur.
Le transfert de propriété se réalise alors par voie d’accession en étant exonéré de tout droit de mutation.
En l’espèce, la Cour de cassation était saisie d’un arrêt de la Cour d’appel de PARIS en date du 15 novembre 2022 et d’un bail à construction régularisé par acte authentique en date du 23 mars 1992 portant sur un terrain dans le but d’y édifier un bâtiment à usage industriel.
Le contrat comportait une clause stipulant qu’à l’expiration du bail par arrivée du terme ou par résiliation amiable ou judiciaire, toutes les constructions édifiées par le preneur ou ses ayants cause sur le terrain loué, comme toutes les améliorations de quelque nature qu’elles soient, deviendraient de plein droit la propriété du bailleur, sans qu’il soit besoin d’aucun acte pour le constater.
Alors que le bail devait durer 30 ans, 21 ans plus tard le preneur a donné congé du bail à construction à effet au 30 septembre 2013, avec un état des lieux de sortie réalisé le même jour.
Le retour anticipé des constructions du preneur dans le patrimoine du bailleur pose difficulté.
Ainsi, ce bailleur a proposé une indemnité de 65 000 € qui devait compenser le retour anticipé des constructions dans son patrimoine au titre d’un enrichissement.
Les parties ont également discuté d’un accord sur une résiliation amiable du bail.
Au final, c’est le bailleur qui a assigné le preneur devant le tribunal afin de voir constater l’accord des parties sur la résiliation amiable du bail ou voir éventuellement prononcer sa résiliation judiciaire.
Par jugement mixte du 15 octobre 2015, le tribunal a constaté qu’un accord était intervenu entre les parties sur la résiliation amiable du bail à construction à effet du 30 septembre 2013 et avant dire droit, sur les demandes indemnitaires croisées, a désigné un expert qui a déposé son rapport le 3 août 2017.
Le dossier posait deux problématiques juridiques :
- l’indemnité au titre de la remise en état des constructions revendiquée par le bailleur ;
- la demande du preneur au titre d’une indemnité de retour anticipé des constructions dans le patrimoine du bailleur (lequel avait proposé amiablement 65 000 €).
La Cour d’appel de PARIS a rejeté la demande indemnitaire présentée par le bailleur au titre de la remise en état des constructions.
Le bailleur souhaitait obtenir une indemnité couvrant les frais de remise en état des bâtiments, conformément aux stipulations du contrat de bail à construction compte tenu du mauvais état des bâtiments constaté par l’expert.
Mais la Cour de cassation a considéré qu’en cas de manquement du preneur à son obligation d’entretien des constructions, des dommages-intérêts pouvaient être alloués au bailleur à condition que celui-ci justifie d’un préjudice.
Or, le bailleur n’a pas cherché de nouveau locataire en remplacement, a vendu la parcelle et le bâtiment sans les avoir préalablement remis en état, sans pouvoir démontrer que cette demande s’était faite en considération de la seule valeur du terrain à nu et en subissant un quelconque préjudice.
Dès lors, c’est à juste titre que la Cour d’appel a rejeté la demande indemnitaire au titre de la remise en état des constructions.
S’agissant de l’indemnité de retour anticipé des constructions, la Cour d’appel de PARIS a condamné le bailleur à verser au preneur la somme de 151 208 €.
Or, il faut rappeler que la résiliation amiable du bail à construction mettant fin au contrat entraîne le retour des constructions dans le patrimoine du bailleur sans indemnité, sauf convention contraire.
Or, le bail lui-même ne prévoyait aucune indemnité dans cette hypothèse et la Cour avait donc violé les dispositions du bail en accordant une indemnité.
Cet arrêt est parfaitement logique sur les deux aspects qu’il tranche.
Il ne peut être demandé en matière de baux une indemnité au titre de la remise en états des constructions que si cette remise en état est effectuée et/ou si le bailleur démontre qu’il subit un préjudice du fait de l’absence de remise en état.
S’agissant du retour anticipé des constructions, il y a lieu d’appliquer les textes et surtout les clauses contractuelles.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
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