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17
Juil

Le nouveau statut des dark stores et dark kitchens en droit de l’urbanisme

Réf : Décr. n° 2023-195, 22 mars 2023, JO 24 mars ; Arr. 22 mars 2023, JO 24 mars ; CE 23 mars 2023, n° 468360

Pendant longtemps, l’installation des dark stores et dark kitchens dans les villes était facilitée par un flou juridique, mais aujourd’hui, le Conseil d’Etat et le gouvernement sont venus mettre un terme à celui-ci.

Par un arrêt du 23 mars 2023, le Conseil d’État rendait une décision sur la qualification des dark stores (CE 23 mars 2023, n° 468360, Ville de Paris).

En parallèle, la nomenclature des destinations et sous-destinations des constructions, établie aux articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme vient d’être modifiée par le décret n° 2023-195 du 22 mars 2023. Un arrêté du même jour a, quant à lui, conféré une nouvelle définition à de nombreuses sous-destinations. Les deux textes sont parus au Journal officiel du 24 mars 2023.

Les dark stores constituent des locaux dans lesquels des biens sont reçus et entreposés de façon provisoire avant d’être acheminés rapidement par des livreurs le plus souvent à deux roues.

Les hésitations sur leur qualification juridique ont donc été levées par le Conseil d’État.

La Ville de PARIS avait saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en annulation contre une ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de PARIS ayant suspendu l’exécution de deux décisions, par lesquelles la maire de PARIS avait mis en demeure sous astreinte les sociétés Frichti et Gorillas de restituer dans un délai de trois mois des locaux qu’elles occupaient.

La Ville de PARIS motivait ses deux décisions sur le fait que l’installation des sociétés dans ces locaux était illégale en raison de ce qu’elle constituait un changement de destination non précédé d’une déclaration préalable pourtant exigée en pareil cas par l’article R. 421-17, b) du code de l’urbanisme.

Selon le Conseil d’État, l’occupation des locaux par les sociétés « a pour objet de permettre l’entreposage et le reconditionnement de produits non destinés à la vente aux particuliers dans ces locaux, ce qui correspond à une activité relevant de la destination Entrepôt. »

Cette décision est d’autant plus cohérente que l’arrêté ministériel du 22 mars 2023 modifie la définition de cette sous-destination initialement établie par l’arrêté du 10 novembre 2016. Les « entrepôts » sont désormais des « constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l’entreposage des biens sans surface de vente ».

Dès lors, la sous-destination d’entrepôt ne peut être valablement appliquée à un dark store qu’à la condition que les biens, réceptionnés et entreposés en leur sein, soient livrés et non pas retirés sur place par les clients. A défaut, le local occupé pourrait se voir appliquer la sous-destination « artisanat et commerce de détail » (article R. 151-28, 3° du Code de l’urbanisme).

Par conséquent, l’ouverture d’un dark store dans un local commercial ne pourra plus être réalisée sans qu’une formalité d’urbanisme soit préalablement accomplie (déclaration préalable de travaux ou permis de construire si elle s’accompagne d’une modification des structures porteuses ou de la façade du bâtiment (C. urb., art. R. 421-14, c)).

Ainsi, toutes les occupations en cours de locaux commerciaux par des darks stores, dès lors qu’elles n’ont pas été précédées d’une telle formalité, constituent des infractions susceptibles d’être constatées par procès-verbal.

En outre, et contrairement aux dark stores, les locaux accueillant des dark kitchens n’ont pas pu rejoindre une sous-destination préexistante établie à l’article R. 151-28 du code de l’urbanisme.

L’article 1er du décret du 22 mars 2023 a ainsi procédé à la création, au sein de la destination « Autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire », d’une nouvelle sous-destination intitulée « cuisine dédiée à la vente en ligne ».

L’article 2 du même décret reporte au 1er juillet 2023 l’entrée en vigueur des dispositions de son article 1er. Ainsi, seules les installations de dark kitchens à compter de cette date sont susceptibles d’être poursuivies faute d’être précédées d’une formalité. D’ici là, l’installation d’une dark kitchen, en l’absence de qualification juridiquement opposable, peut être réalisée librement.

En tout état de cause, il reste de l’article 2 que les PLU n’ayant pas fait l’objet d’une procédure d’évolution seront soumis dès le 1er juillet 2023 à l’application de l’article R. 151-28, 5°, du code l’urbanisme dans sa version enrichie et intégrant la sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne ».

En conséquence, tant qu’une adaptation desdits règlements ne sera pas devenue opposable, le décret seul ne peut pas servir à empêcher leur installation.

14
Juil

Des modifications, même substantielles, du projet de PLU avant approbation qui ne nécessitent pas de nouvelle enquête publique

Réf : CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 02/03/2023, 21BX03224

A l’occasion d’une décision rendue le 2 mars 2023, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a eu à connaître de la légalité du Plan Local d’Urbanisme de la Commune de Lège-Cap-Ferret.

Alors que celle-ci avait déjà vu son Plan Local d’Urbanisme annulé en 2008, puis en 2011, elle a finalement approuvé un nouveau document d’urbanisme par délibération du 12 juillet 2018.

Seulement, faisant application des dispositions de l’article L. 153-25 du Code de l’Urbanisme, le Préfet de Gironde a fait usage de ses prérogatives tenant à la possibilité, dans le mois suivant la date de l’approbation du Plan Local d’Urbanisme (qui se situe dans un territoire non couvert par un SCoT), de solliciter de la maîtrise d’ouvrage qu’elle apporte des modifications au projet qu’il estime nécessaire au regard d’une série de prescriptions énumérées par lesdites dispositions (notablement celles relatives à la Loi Littoral ou Montagne, aux principes d’équilibre, à la consommation économe de l’espace…).

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12
Juil

La responsabilité civile d’un élu local poursuivi pour corruption engagée par sa collectivité après une relaxe au pénal pour prescription.

CEDH, 9 mars 2023, N° 001-223373

Dans cette affaire il est question d’un élu local italien poursuivi pour corruption en ce qu’il a reçu des pots-de-vin d’un montant de 20 658 euros. Poursuivi sur le plan pénal, celui-ci a été reconnu coupable en première instance avant d’être relaxé en appel sur fond de prescription.

La commune concernée a quant à elle saisi les juridictions civiles pour obtenir réparation de son préjudice à hauteur de 41 316 euros. Dans cette procédure, la juridiction civile saisi donne gain de cause à la commune en se fondant sur les faits de corruption objet des poursuites pénales engagées précédemment. Le requérant estime qu’en statuant ainsi elle reconnait sa culpabilité alors même que la cour d’appel l’avait relaxé sur le plan pénal et qu’ainsi le principe de la présomption d’innocence n’avait pas été respecté.

Dans cette décision, la Cour européenne des droits de l’Homme considère que la juridiction civile n’a pas méconnu le principe de la présomption d’innocence en considérant que l’acquittement d’un prévenu au pénal n’empêche pas l’établissement,« sur la base de critères de preuve moins stricts, d’une responsabilité civile emportant obligation de verser une indemnité à raison des mêmes faits ».

La cour admet donc une condamnation civile même en cas de relaxe au pénal.

Ainsi, la CEDH conclut à la non-violation du respect de la présomption d’innocence :

« la Cour, tout en rappelant qu’il convient d’être particulièrement prudent dans la motivation d’un jugement civil rendu à la suite d’une procédure pénale éteinte, estime qu’eu égard à la nature et au contexte de la procédure civile en l’espèce, le constat de la responsabilité civile, exprimé dans des termes qui ne peuvent raisonnablement être interprétés comme l’imputation au requérant d’une responsabilité pénale, n’a pas méconnu le principe de la présomption d’innocence. »

Par ailleurs, en droit français, une collectivité a l’obligation d’agir contre un élu ayant commis une faute personnelle lorsque les deniers publics sont en jeu (CE, 30 décembre 2015 n°391800). Aussi, si la commune ne le fait pas, un contribuable inscrit au rôle de la commune peut agir en lieu et place de la commune d’après l’article L.2132-5 du CGCT.

10
Juil

L’antériorité de l’ouvrage public comme élément d’exonération de responsabilité sans faute de la commune

Cour administrative d’appel de Toulouse, 21 février 2023 n°21TL03343

Dans cet arrêt, la cour administrative d’appel de Toulouse avait à juger si la dégradation du dallage d’une piscine du fait de l’infiltration de racines de platanes centenaires implantés dans un parc municipal situés à proximité immédiate, pouvait être ou non imputée à la commune sur le fondement de la responsabilité sans faute. Le Tribunal administratif de Montpellier ayant fait droit à la demande du propriétaire.

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07
Juil

Carence fautive de l’Etat sur la surveillance de la qualité de l’air, coresponsabilité de la commune ?

Tribunal administratif de Lyon, 24 février 2023 : n°2007414

Aux termes de l’article L. 221-1 du code de l’environnement : «  I.- L’Etat assure, avec le concours des collectivités territoriales dans le respect de leur libre administration et des principes de décentralisation, la surveillance de la qualité de l’air et de ses effets sur la santé et sur l’environnement. »

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05
Juil

La commodité du voisinage ne tient pas à la salubrité publique : pas de refus de permis de construire

Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 1 mars 2023, 455629, SOCIETE ENERGIE MENETREOLS c/ MINISTERE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET DE LA COHESION DES TERRITOIRES et Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 1 mars 2023, 459716, SOCIETE EDPR FRANCE HOLDING c/ MINISTERE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET DE LA COHESION DES TERRITOIRES et Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 janvier 2023, 21-23.792, Publié au bulletin, société de Requalification des quartiers anciens c/ pôle 4

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03
Juil

La FAQ (Foire Aux Questions) d’un site internet de l’administration est effectivement susceptible de recours devant le juge administratif

Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 3 février 2023, 451052, MINISTERE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE

Dans cette affaire, une requérante a formé un recours pour excès de pouvoir aux fins d’annuler la « foire aux questions  » relative au fonds de solidarité en faveur des entreprises, en ce qu’elle exclut, par principe, les loueurs en meublés non professionnels du bénéfice du fonds de solidarité créé suite à l’épidémie de covid-19.

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30
Juin

La destruction d’un terrain de compensation écologique par un tiers entraîne la responsabilité de la société bénéficiaire pour manquement à l’obligation de gestion.

CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 3 mars 2023, 22MA00886, Inédit au recueil Lebon, SOCIETE ENGIE c/ MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET DE LA COHESION DES TERRITOIRES (ECOLOGIE)

Dans cette décision du 03 mars 2023, la cour administrative d’appel de Marseille a admis la responsabilité de la société bénéficiaire d’une autorisation de destruction d’espèces, qui devait gérer un terrain de compensation, celui-ci ayant été détruit par un tiers.

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28
Juin

Incompétence de l’auteur d’une décision de refus de redoublement : annulation

TA Grenoble, 4e ch., 16 févr. 2023, n° 2206785.

Dans cette affaire, le Tribunal administratif de Grenoble s’est prononcé sur une décision de refus de redoublement prononcée par l’Université Grenoble-Alpes.

Il y a deux éléments à retenir dans cette jurisprudence. Dans un premier temps, un simple courrier rédigé par le responsable de la formation indiquant que le redoublement n’était pas accepté, est considéré comme une décision faisant grief et non comme une simple information comme invoqué par l’Université.

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26
Juin

Point sur la servitude par destination du père de famille

Par un arrêt du 18 janvier 2023 publié au bulletin, la cour de cassation, rappelle au visa de l’article 694 du code civil : « la destination du père de famille ne vaut titre à l’égard des servitudes discontinues, en présence de signes apparents de la servitude lors de la division d’un fonds, que si l’acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien. »

Elle relève ensuite que «  l’acte d’échange prévoyait expressément l’absence de servitude sur les parcelles issues de la division de l’ancienne parcelle » , et que ce faisant la Cour dont l’arrêt est soumis à l’examen de la cassation « en a souverainement, déduit que cette stipulation ne constituait pas une simple clause de style et était contraire au maintien d’une servitude de passage par destination du père de famille. »

En effet, la servitude de passage est par nature même discontinue et en principe non apparente étant précisé que des signes apparents de l’exercice d’un passage peuvent exister et que dans ces conditions les juridictions du fond acceptent de reconnaître son existence par destination de père, à la condition que l’acte de division ne contiennent pas de stipulation contraire à son maintien.

La Cour de cassation laisse à l’appréciation souveraine des juges du fond une interprétation large de ce qui peut être interprété comme une stipulation contraire au maintien de ce type de servitude.

La notion de chemin d’exploitation à la rescousse du passage non retenu au titre de la destination du père de famille

Dans ce même arrêt, la cour de cassation revient par ailleurs sur la notion de chemin d’exploitation qui avait été rejetée en appel au motif « que le cours et le débouché final du chemin rural auquel accède la portion de chemin établie sur cette parcelle ne sont pas connus en totalité, de sorte qu’il n’est pas prouvé que le passage qui y est situé assure la desserte exclusive des divers fonds. »

La cour de Cassation considère au visa de l’article L162-1 du code rural « qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que la voie traversant la parcelle était comprise dans un sentier permettant de rejoindre les fonds des parties avant d’accéder au chemin rural, par des motifs impropres à exclure les caractéristiques d’un chemin d’exploitation pour la portion située sur cette parcelle, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

Ce faisant la Cour de cassation permet de valider un passage qui au titre d’une servitude réelle par nature discontinue et non apparente ne peut s’établir que par titre et n’est donc pas reconnue hors situation d’enclave sans figurer dans un acte notarié pour résulter d’une situation par destination de père de famille non contredite par le titre opérant la division entre les fonds d’origine.

Cf. Cour de cassation – Troisième chambre civile

18 janvier 2023 / n° 22-10.019