Cour de cassation, 1re civ., 26 février 2025, n° 23-22.201 et 23-22.202
Faits et procédure
Le 10 mai 2016, Mme [T] acquiert un véhicule d’occasion par l’intermédiaire de la société Reezocorp, qui certifie le kilométrage affiché au compteur. En octobre 2017, un garage l’informe que ce kilométrage est erroné et qu’une manipulation frauduleuse a été réalisée pour le minorer. Une expertise judiciaire le confirme. Mme et M. [T] assignent alors Reezocorp en responsabilité contractuelle.
La cour d’appel de Rennes rejette leur demande, selon elle, aucune faute n’est prouvée contre Reezocorp.
Mais la Cour de cassation casse l’arrêt, le professionnel qui certifie le kilométrage engage sa responsabilité contractuelle, et une simple incertitude sur l’exactitude du kilométrage suffit à caractériser une inexécution contractuelle.
Analyse juridique
1. Une obligation d’information et de loyauté accrue du professionnel
Cette décision s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence désormais bien établie. Le vendeur professionnel est tenu d’une obligation de renseignement, de conseil et de loyauté à l’égard de l’acquéreur, particulièrement lorsqu’il s’agit de caractéristiques essentielles du bien vendu.
Dès lors qu’un professionnel certifie un kilométrage, il garantit implicitement la véracité de cette donnée. Cela a été rappelé dans des arrêts similaires :
- la Cour avait retenu le dol à l’encontre d’un professionnel qui avait délivré un certificat de kilométrage inexact ;
- un vendeur avait été condamné pour vice caché, le kilométrage ayant été faussé à l’insu de l’acquéreur.
2. L’inexécution contractuelle même sans dol ni faute caractérisée
Ce qui distingue la décision de 2025 est l’approche contractualiste. Même sans faute prouvée ni intention frauduleuse, le simple fait que le kilométrage soit erroné suffit à engager la responsabilité du professionnel qui s’est porté garant de cette information.
Cela rejoint la logique d’une obligation de résultat sur la véracité de l’information transmise :
- la Cour reconnaît l’existence d’une inexécution contractuelle du seul fait de l’inexactitude d’une information garantie.
3. Effets pratiques : vers une responsabilisation accrue des professionnels
Cette jurisprudence renforce la protection de l’acheteur en matière de vente de véhicules d’occasion, secteur encore souvent sujet à litiges. Elle confirme une évolution favorable aux consommateurs :
- la charge de la preuve est allégée pour l’acheteur : il n’a pas à démontrer la faute, mais simplement l’inexactitude de l’information garantie.
- Le professionnel doit se montrer d’autant plus vigilant dans la vérification de l’historique des véhicules avant de s’engager par écrit.
Conclusion
L’arrêt du 26 février 2025 s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel tendant à objectiver la responsabilité du professionnel dans la vente de véhicules d’occasion. Il ne s’agit plus seulement de réprimer le dol ou la négligence, mais d’assurer la loyauté contractuelle en amont. Cette décision est à saluer, tant elle concourt à sécuriser la relation contractuelle et à lutter contre les pratiques déloyales encore trop fréquentes sur le marché automobile.
Mohamed Djerbi – Avocat associé
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