La Cour de cassation a de nouveau rendu un arrêt à propos des dispositions de l’article L 112-1 du Code monétaire et financier qui dispose qu’est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive tel que le bail commercial prévoyant la prise en compte, dans l’entier déroulement du contrat, d’une période de variation indiciaire supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision.
Il s’agit d’un piège qui guette les rédacteurs de baux commerciaux.
Certains baux ont tendance à conserver comme base indiciaire d’indexation du loyer l’indice choisi à l’origine, alors que l’indexation du loyer doit se produire au rythme du changement d’indice.
Ainsi, s’il est choisi pour réviser le loyer un indice du 3ème trimestre, il conviendra chaque année de calculer le nouveau loyer en fonction du 3ème trimestre de l’année d’avant.
Il est interdit de calculer le nouveau loyer en le comparant à l’indice de l’année de référence en comparaison à l’indice d’origine au loyer d’origine.
En effet, la période de variation indiciaire sera supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision.
Cette jurisprudence sur l’indexation a occupé la Cour de cassation pendant une dizaine d’années et continue à l’occuper encore.
La Cour de cassation, dans un arrêt de principe du 14 janvier 2016, avait affirmé que le propre d’une clause d’échelle mobile était de faire varier le loyer à la hausse, comme à la baisse.
Elle a donc posé le principe selon lequel une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne pouvait être révisé qu’à la hausse devait être réputée non écrite (Cour de cassation, 3ème ch. civ., 14 janvier 2016, n° 14-24.681).
Les conséquences sont particulièrement sévères pour le bailleur.
Non seulement celui-ci doit restituer les augmentations intervenues durant les 5 dernières années, mais la clause étant réputée non écrite, il ne peut plus procéder à l’indexation du loyer pour l’avenir, la clause n’existant plus.
Il lui reste à se replier sur les dispositions de l’article L 145-38 du Code civil qui sont d’ordre public, même si elles ne sont pas reprises dans le bail, et procéder à la révision du loyer et à son indexation tous les 3 ans en respectant les formes requises.
A partir de là, la Cour de cassation a commencé à évoluer et à danser un tango particulièrement préjudiciable aux locataires et bailleurs en termes de sécurité dans les rapports contractuels (voir articles précédents).
La Cour de cassation a dans un premier temps laisser les juges du fond trancher le point de savoir si la clause devait être réputée non écrite dans sa totalité ou simplement dans sa partie excluant la réciprocité.
Si seule la partie de la clause excluant la baisse est réputée non écrite, la clause pourra jouer son office à la hausse comme à la baisse.
La clause continuerait donc d’exister dans le bail dans une version d’augmentation et de baisse réciproques.
La Cour de cassation a considéré que si la clause irrégulière était une condition essentielle du contrat, toute la clause devait être réputée non écrite.
Entre 2016 et 2020, un certain nombre de tribunaux ont déclaré ce type de clause non écrite, infligeant aux bailleurs une sanction aussi disproportionnée qu’imméritée.
A partir d’un arrêt de la Cour de cassation remarqué du 29 novembre 2018 et poursuivi par des arrêts des 19 décembre 2019 et 6 février 2020, la position de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a commencé à évoluer sur l’étendue de la sanction qui frappe les clauses d’indexation contraires aux articles L 112-1 du Code monétaire et financier ou L 145-39 du Code de commerce.
Dans deux arrêts du 30 juin 2021 (n° 20-11.685 et n° 19-23.038), la Cour de cassation a affirmé désormais très clairement que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée par la loi devait être réputée non écrite et non l’intégralité de la clause, quel que soit le caractère essentiel ou pas de la clause.
Revenons à l’arrêt commenté et à la période de variation indiciaire supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision.
Parfois, cela provient des conséquences de faits.
En l’espèce, une SCI avait donné à bail commercial deux baux sur deux lots différents.
Sept années plus tard, les parties ont résilié le second bail pour le rattacher au premier contrat.
L’avenant rédigé le 12 mars 2018 a maintenu une indexation au 1er octobre 2018.
Cela a entraîné deux augmentations dans la même année, en mars et en octobre 2018.
Le locataire avait estimé que la clause d’indexation insérée au bail devait être réputée non écrite.
La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 3 novembre 2021, a fait droit à cette argumentation en condamnant le bailleur à payer au locataire une certaine somme correspondant au trop-perçu du loyer en raison du caractère non écrit de la clause d’indexation qui a été réputée non écrite.
La Cour d’appel de Paris a constaté une distorsion entre la période de variation de l’indice et la durée s’écoulant entre les deux révisions.
Or, le bailleur a considéré que ne pouvait pas être réputée non écrite la clause d’indexation qui ne crée une distorsion entre la période de variation de l’indice et la durée s’écoulant entre deux révisions qu’à l’occasion de la première révision.
En effet, cet avenant intervenu au cours de l’exécution du bail a créé cette distorsion pour une seule fois durant l’année 2018.
Dès l’année 2019 et les années suivantes, l’indexation du loyer intervenait chaque année une fois par an.
La Cour de cassation a donc reproché à la Cour d’appel de Paris d’avoir déclaré non écrite en son entier la clause d’indexation insérée au bail, car cette clause n’engendrait une telle distorsion que lors de la première indexation.
L’arrêt a été cassé et les parties ont été renvoyées devant la Cour d’appel de Paris autrement composée.
Celle-ci estimera sans doute que la clause n’est pas réputée non écrite, mais qu’elle ne peut jouer deux fois durant l’année 2018.
La Cour de cassation fait donc preuve de réalisme dans la lignée de ses dernières jurisprudences.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter jl.medina@cdmf-avocats.com – 04.76.48.89.89
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