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18
Sep

COMMENT FAIRE POUR NE PAS PAYER SON LOYER LORSQUE LE BAILLEUR NE RESPECTE PAS SES ENGAGEMENTS ?

(Cour de cassation, 3ème chambre civile, 6 juillet 2023, n° 22-15.923)

La Cour de cassation vient de traiter une question éminemment courante dans la pratique.

Lorsque le locataire n’est pas satisfait de ses conditions d’exploitation, il a tendance à vouloir, au nom du principe d’exception d’inexécution, ne plus régler ses loyers ou, au mieux, procéder à leur consignation souvent sur le compte CARPA d’un avocat ou sur le compte séquestre d’un notaire auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations.

Cette opération est souvent risquée et périlleuse.

Il faut la manier avec doigté et expérience.

Les articles L 145-41 et suivants du Code de commerce prévoient une procédure de constatation des effets de la clause résolutoire et l’expulsion du locataire en situation d’impayé par le juge des référés.

Cette procédure peut ne prendre que quelques semaines.

Aux termes de l’article L 145-15 du Code de commerce, cette procédure est d’ordre public.

L’article 1220 de l’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des obligations, permet à une partie de suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle.

Dans l’affaire étudiée et portée à la connaissance de la Cour de cassation, le bailleur contestait les dispositions d’un arrêt rendu le 10 mars 2022 par la Cour d’appel de Douai.

Celle-ci avait refusé de prononcer la résiliation du bail et ordonné l’expulsion tout en fixant une indemnité d’occupation et avait ordonné la consignation du montant des loyers.

Dans cette affaire, comme souvent, le locataire reprochait à son bailleur la présence d’infiltrations d’eau dans des locaux loués au sein d’une copropriété et invoquait le non-respect de l’obligation de délivrance du bailleur, qui est une obligation essentielle et d’ordre public au sens de l’article 1719 du Code civil.

La Cour d’appel de Douai avait considéré que le locataire était fondé à se prévaloir du principe de l’exception d’inexécution à retenir les loyers, puisqu’il existait de manière non contestée des infiltrations d’eau affectant le local loué concernant le clos et le couvert et que le bailleur avait laissé perdurer ces désordres sans demander de travaux à la copropriété, de sorte qu’il ne respectait pas son obligation de garantir la jouissance d’un local conforme à celui loué.

La Cour de cassation n’a pas admis cette motivation.

Elle a cassé l’arrêt en reprochant à la Cour d’appel de ne pas avoir vérifier si le manquement du bailleur rendait impossible la jouissance des lieux loués.

Ce faisant, la Cour d’appel de Douai a violé les dispositions de l’article 1728 du Code civil, cet article obligeant le locataire à payer le prix du bail au terme convenu.

Il convient de rappeler que l’article 1219 du Code civil énonce du Code civil énonce que l’inexécution doit être suffisamment grave pour pouvoir exciper de l’exception d’inexécution.

Celui veut dire que la retenue des loyers peut être possible en cas d’inexécution suffisamment grave.

Si la totalité des loyers sont consignés, il faut démontrer que la totalité du local loué est impraticable.

C’est le sens de la décision de la Cour de cassation.

Cette décision me paraît tout à fait conforme à la lettre des textes du Code civil et à leur esprit.

Il n’est pas possible de retenir 100 % des loyers si un locataire souffre d’infiltrations alors qu’il peut exercer au quotidien son activité.

Il pourrait effectivement solliciter un préjudice d’image ou un préjudice d’exploitation et de jouissance, mais en aucun cas ne pas régler ses loyers dès lors que l’activité persiste à être exercée dans les locaux litigieux.

Il faut donc approuver cette décision et se méfier, en qualité de conseil, du réflexe qui ferait plaisir à son client locataire consistant à lui conseiller soit de ne pas payer, voire, par acquis de conscience, de consigner les loyers.

Or, consigner ne vaut pas payer.

Si c’est un signe de bonne foi de la volonté de payer le loyer, la consignation ne doit en aucun cas être assimilée à un quelconque règlement de loyer.

L’attention des praticiens doit être attirée sur ce point de conseil pouvant entraîner leur responsabilité.

Jean-Luc Médina – Avocat associé
Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter jl.medina@cdmf-avocats.com – 04.76.48.89.89

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