La précipitation dans la création de société peut entraîner des conséquences graves.
Souvent, pris dans la précipitation de formalités administratives, une société en cours d’immatriculation est amenée à conclure des contrats que la société finalement immatriculée reprendra à son compte.
Il convient de rappeler que la jurisprudence a toujours considéré qu’un contrat conclu par une société en cours d’immatriculation, non pourvue de la personnalité morale, était nul sans que les signataires ne puissent être tenus des obligations en résultant (Cass. Com. 10 février 2021, n° 19-10.006).
La société en formation ou en cours d’immatriculation n’a pas d’existence juridique.
Elle ne peut donc pas contracter.
Trois mécanismes peuvent fonctionner et permettent à la société en formation de conclure des contrats repris par la société immatriculée :
- les actes passés avant la signature des statuts, lorsqu’ils sont annexés aux statuts ;
- les actes passés après la signature des statuts, lorsque l’acte a été accompli en vertu d’un mandat donné par les associés, soit dans les statuts, soit dans un acte séparé ;
- les contrats conclus par une décision spéciale prise à la majorité des associés lors d’une assemblée générale, après que la société a été immatriculée.
En réalité, l’acte en question n’est pas passé par la société qui n’a pas la capacité juridique de le faire, mais par un ou plusieurs associés agissant pour son compte.
Si des formalités d’immatriculation de la société n’aboutissent pas, ce sont les candidats associés qui ont agi au nom de la société en formation qui sont tenus des obligations nées du contrat signé. C’est l’application des articles 1843 du Code civil et L 210-6 alinéa 2 du Code de commerce.
Qu’en est -il du bail commercial ?
La Cour d’appel de Dijon a rappelé dans un arrêt du 6 janvier 2022 (n° 20-01.499) que le bail commercial conclu par une société en formation dénuée d’existence juridique était nul.
La Cour d’appel de Douai l’a rappelé dans un arrêt du 17 mars 2022 (n° 20-04.258).
L’affaire est assez spécifique.
Un bailleur avait assigné son locataire pour non-paiement de loyer, en se fondant sur la clause résolutoire permettant de faire constater la résiliation du bail par le juge des référés.
Le juge des référés est le juge de l’évidence et de l’absence de contestation sérieuse.
En première instance, la juge des référés a mis en œuvre la clause résolutoire en rejetant les contestations du locataire.
S’agissant du bail qui n’avait pas été signé en son nom, le tribunal a retenu que le représentant légal était tenu des obligations des actes accomplis au nom de la société en formation qui n’avait jamais été immatriculée conformément aux dispositions de l’article 1843 du Code civil.
Mais, la Cour d’appel a retenu que le bail ne mentionnait pas avoir été conclu par la personne physique au nom de la société en formation, mais par la société elle-même en cours de formation représentée par son gérant.
Or, celle-ci était dépourvue de personnalité morale en l’absence d’immatriculation, de sorte qu’elle n’avait pas pu conclure le bail litigieux.
Pour la Cour d’appel, la sanction du défaut de personnalité morale du signataire du bail doit être la nullité absolue du contrat entraînant la nullité de la clause résolutoire.
L’ordonnance du juge des référés a été réformée.
S’agissant d’un arrêt intervenant en appel de l’ordonnance d’un juge des référés, la Cour d’appel n’a pas tranché au fond la difficulté. Elle a simplement dit que le bailleur ne pouvait se prévaloir de la clause résolutoire prévue au bail commercial devant le juge des référés, puisque ce bail commercial était nul, de nullité absolue.
Il appartient donc au bailleur de recommencer une procédure devant la bonne juridiction, en se basant sur la nullité absolue du contrat de bail commercial.
Béatrice Bénichou- Médina – Notaire – Office Notarial Europole Presqu’île
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