(Cour de cassation, 3ème chambre civile, 25 janvier 2023, n° 21-19.089)
Il est parfois dangereux de procéder à l’exécution forcée d’une décision exécutoire mais non définitive.
En matière de baux commerciaux, le danger existe puisque la procédure en acquisition de la clause résolutoire en cas d’impayé de loyers aboutit généralement à une décision exécutoire prise par le juge des référés.
En cas d’expulsion prononcée par le juge des référés, la décision est exécutoire et un huissier peut y procéder.
Mais qu’adviendra-t-il dans l’hypothèse d’une réformation de la décision par la Cour d’appel ?
En l’espèce, un locataire était titulaire de deux baux commerciaux portant sur des locaux à usage d’hôtel, bar-restaurant et organisation de réceptions.
Le juge des référés, ainsi que la Cour d’appel, avaient décidé de constater la résiliation des deux baux commerciaux par acquisition de la clause résolutoire, de sorte que le locataire a été expulsé des locaux qui ont été vendus à une société tierce.
Postérieurement à la vente des locaux à cette société tierce, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel.
La Cour d’appel de renvoi a infirmé l’ordonnance de référé, de sorte que le titre exécutoire permettant l’expulsion du locataire avait disparu.
Cependant, la réintégration du locataire était impossible.
Le locataire souhaitait sa réintégration et l’indemnisation des préjudices subis en conséquence de son expulsion.
La société locataire avait fini par être mise en procédure collective et en liquidation judiciaire.
Deux questions se posent :
- Le bailleur doit-il craindre l’exécution d’une décision exécutoire ?
- Comment se calcule le préjudice tiré de l’exécution d’une décision exécutoire qui est ensuite réformée ?
Il est toujours tentant d’exécuter une décision de justice exécutoire, même non définitive.
Cela réduit les volontés de l’appelant.
La Cour de cassation rappelle constamment les conséquences de l’exécution d’une décision exécutoire par provision.
Cette exécution a lieu aux risques de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d’en réparer les conséquences dommageables et de rétablir ainsi le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent.
Il n’y a pas à rapporter la preuve d’une faute du poursuivant.
C’est ce qu’a rappelé encore récemment la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 (n° 19-17.721).
En l’occurrence, le locataire n’a pas à démontrer la faute du créancier qui a poursuivi l’exécution provisoire d’une décision de justice.
Le bailleur a poursuivi l’exécution jusqu’à son terme à ses risques et périls.
En cas de réformation, indépendamment de toute notion de faute, il doit réparer le dommage.
En l’occurrence, le locataire n’avait pas seulement perdu son fonds de commerce, mais devait être indemnisé des gains qu’il aurait obtenus s’il était resté en possession de son fonds de commerce.
Il s’agit d’un préjudice distinct qu’il appartient au juge d’évaluer.
Cet arrêt est très intéressant.
Outre les décisions de référé, les jugements au fond sont revêtus, depuis le 1er janvier 2020, de l’exécution provisoire de plein droit.
Il est toujours tentant d’exécuter… mais à ses risques et périls.
Le Conseil doit donc peser les risques de l’exécution d’une décision exécutoire, mais non définitive.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter jl.medina@cdmf-avocats.com – 04.76.48.89.89
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