(Cour de Cassation 3ème Chambre Civile 3 décembre 2020 n°19-22.443)
Les relations entre bailleurs et locataire ne sont jamais faciles surtout en fin de bail.
Les contentieux de l’état des lieux et les travaux aux fins de remettre l’immeuble en état sont souvent source de contentieux.
La non restitution des clés est un contentieux moins fréquent mais qui pose de sérieux problèmes juridiques.
Surtout lorsque cette non restitution des clés n’est pas accompagnée pour le bailleur d’une relocation immédiate.
Dans l’arrêt évoqué par la Cour de Cassation le 3 décembre 2020, une Société Civile Immobilière bailleresse avait reçu un congé de son locataire à effet au 31 décembre 2012.
Ce locataire n’a rendu les clés que le 31 décembre 2015.
Cette attitude semble à première vue incompréhensible.
Mais les faits donnent une explication à cette attitude.
Avant la date d’expiration du congé, le locataire par l’intermédiaire de son directeur général avait conclu deux nouveaux baux avec cette même SCI.
Dès 2013, la SCI avait délivré à son locataire un commandement de payer des loyers impayés, mais ce locataire considérait que son directeur général était dépourvu de la qualité pour la représenter lors de la conclusion des nouveaux baux et prétendait que les baux étaient nuls.
Dans l’intervalle, le locataire n’a pas restitué les clés et le bailleur considérait que son locataire était toujours son locataire.
La Cour d’Appel de Grenoble dans un arrêt infirmatif a rejeté la demande d’indemnité d’occupation présentée par le bailleur sur le fondement de l’article 1382 devenu 1240 du Code Civil.
Il s’agit de la responsabilité extra contractuelle.
Il y a sans doute peut-être une faute à conserver postérieurement aux relations contractuelles, les clés du local de son ancien bailleur.
Pour rejeter la demande en paiement d’une indemnité d’occupation, la Cour d’Appel de Grenoble avait considéré que si le locataire n’avait restitué les clés que le 31 décembre 2015, le bailleur ne pouvait sérieusement soutenir qu’il n’avait pas pu reprendre possession des locaux en raison du comportement du locataire qui aurait conservé les clés qui n’avaient pas été réclamées.
Ainsi, la Cour d’Appel de Grenoble a considéré que le locataire n’avait pas été fautif dans son comportement.
La Cour d’Appel de Grenoble a considéré que le bailleur était dans une situation de pouvoir récupérer les clés de son local, qu’il n’a pris aucune initiative et n’a pas réclamé les clés à son locataire. Dès lors, aucune faute ne peut être imputée au locataire qui ne peut être condamné à une indemnité d’occupation.
La Cour de Cassation censure cette approche.
Elle considère que dès lors que la Cour a constaté que les clés n’avaient pas été remises au propriétaire ou que celui-ci avait refusé de les recevoir, elle ne pouvait exonérer le locataire de sa faute.
Ainsi, la Cour de Cassation opère un renversement de la charge de la preuve par rapport à la Cour d’Appel.
C’est au locataire qui prétend ne plus être locataire de prendre ses dispositions pour rendre les clés.
Si le bailleur refuse de les recevoir alors le locataire pourra s’exonérer de toutes fautes et être exonéré du paiement de toutes indemnités d’éviction.
Cet arrêt de la Cour de Cassation est intéressant car il permet d’avoir une idée précise de la charge de la preuve et de bien conseiller en cas de difficulté à la fin des relations contractuelles, au locataire de prendre l’initiative de restituer les clés sans attendre une quelconque demande en provenance de son bailleur ou de son ex bailleur.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
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