(Cassation Civ. 1ère 18 mars 2020 n° 19-1120)
La Cour de cassation a eu l’occasion de trancher récemment une question juridique d’importance, au sujet de l’application de l’article 815-9 du Code civil.
Ce texte dispose :
« Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis, conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires. L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise, est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. »
Dans cette affaire, un père avait octroyé à sa fille, un bail verbal très avantageux sur un bien immobilier dont il était propriétaire. La fille versait un loyer de 381,12 € alors que la valeur locative du bien s’élevait à 1.200 €. Au décès du père, et dans le cadre de la liquidation et du partage de la succession, les coindivisaires ont sollicité le versement d’une indemnité d’occupation, sur le fondement de l’article 815-9 du Code Civil pour compenser l’insuffisance de loyer.
La Cour d’appel de Versailles a accueilli cette demande et a condamné la bénéficiaire locataire au paiement à l’indivision d’une somme mensuelle de 578,88 € à compter du 29 avril 2010 (date retenue compte-tenu de la prescription quinquennale).
La Cour de cassation a cassé cet arrêt au visa de l’article 815-0 du Code Civil.
Deux raisons sont avancées par la Cour de cassation :
Un bail existant ne peut permettre l’allocation d’une indemnité d’occupation. Le locataire d’un bail doit payer uniquement un loyer.
La deuxième raison de la Cassation est vraiement plus intéressante. Un bail déséquilibré octroyé à un indivisaire donne t’il droit au paiement d’une indemnité compensatrice au bénéfice de l’indivision ?
Les coindivisaires ont-ils subi un préjudice du fait du règlement par la locataire indivisaire d’un loyer inférieur à la véritable valeur locative ?
La Cour de cassation ne confond pas le titre qui fonde l’occupation à savoir le bail et le prix de cette occupation.
La cour de cassation considère que peu importe si le loyer est sous-évalué. Cela ne crée pas un préjudice indemnisable par définition.
En d’autres termes, l’indemnité d’occupation ne doit pas être mobilisée pour compléter un faible loyer.
Outre les recours fondés sur le droit commun, il peut être imaginé que la fille du papa décédé, locataire et indivisaire a bénéficié d’une donation indirecte et que cet avantage soit qualifié de libéralité pour permettre le rapport de l’avantage ainsi procuré à la masse à partager, ce qui permettrait de préserver l’égalité dans le cadre du partage.
Mais encore faut-il démontrer l’intention libérale. Cette preuve sera sans doute difficile voire impossible à apporter.
Nous sommes donc en présence d’une convention déséquilibrée qui présente un avantage pour un des coindivisaires et en l’absence de démonstration de l’existence d’une libéralité, les co- indivisaires devront subir au moins jusqu’au partage l’exécution du bail au prix fixé initialement.
Béatrice Bénichou- Médina – Notaire – Office Notarial Europole Presqu’île
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